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2/3 : Discours de l’ambassadrice de la Circularité de l’Union européenne à l’Assemblée générale des Nations unies

Paris, le 26 septembre 2040

Contexte : discours fictif, écrit dans le cadre d'une démarche prospective, non prévisionnelle ou prédictive, menée par CITEO, et comprenant la mobilisation de près de 100 partenaires + la combinaison de leurs idées et des signaux faibles remontés sur le passage à l’échelle de la circularité, et prononcé devant l'Assemblée Générale des Nations unies.

Madame la Présidente de l’Assemblée générale,
Monsieur le Secrétaire général adjointe des Nations unies,
Mesdames et messieurs les chefs d’État et de Gouvernement,
Mesdames et messieurs les ministres,
Mesdames et messieurs les ambassadeurs,

C’est un honneur pour moi de prendre la parole devant cette Assemblée pour y exprimer la voix de l’Europe. La Vieille Europe comme il était courant de l’appeler il y a encore 10 ans… devenue l’Europe d’une Circularité qui aujourd’hui étend ses rouages et effets sur l’ensemble de nos États membres.

Une circularité aujourd’hui visible pour tous.
Tangible.
Toujours plus intégrée dans le quotidien de nos concitoyens par…
une plus grande mutualisation des objets et équipements ;

l’accroissement des offres de reconditionnement pour toujours plus de produits et matériaux ;
le renfort de nombreux circuits courts d’approvisionnement ;
le réemploi systématique des matériaux d’emballage ;
l’utilisation usuelle, par tous, d’un compost issu des biodéchets de chacun ;
la relocalisation de bon nombre de centres de production…
Tout cela constitue aujourd’hui le quotidien de nos concitoyens. Et je nous en félicite.

Mais laissez-moi vous conter une expérience qui va plus loin encore,
démarrée il y a 20 ans déjà,
mais dont je mesurai l’étendue des résultats lors d’un déplacement dont je rentre tout juste.
Il s’agissait d’un déplacement dans différentes régions de 12 de nos États.
Et je voulais témoigner devant cette Assemblée de ce que j’y ai vu.
Vous parler d’une coalition d’un genre nouveau.

L’expérience démarra lors de l’hiver 23, hiver qui vit la crise de l’énergie atteindre un véritable pic. Notre monde atteignit dans cette même période plusieurs des neuf limites dites limites planétaires, compromettant les conditions d’habitabilité de notre Terre.
À cette époque, la répartition historique de la valeur dressait les uns contre les autres des parties prenantes dont on aurait espéré qu’elles s’allient.

La situation énergétique — à laquelle faisaient écho les crises environnementale, géopolitique et sociale — fut ici un véritable déclic.

Nous avons ainsi vu des concurrents commencer à s’allier pour l’intérêt du commun…


C’est là qu’émergèrent, dans les 12 régions dont je reviens,
de premiers réseaux combinés à l’échelle des territoires.
Des boucles de distribution combinant plate-forme digitale et logistique optimisée jusque dans chacun des hameaux, villages et cités. Pour aboutir sur la création d’un consortium multi acteurs,
apportant des réponses sur ce que nous appelions dans les années 20
les flux du dernier kilomètre
alors véritable défi de la proximité.
Ce consortium est né de l’union des plates-formes majeures de l’époque,
du groupe historique, acteur semi-public qui cultiva ainsi sa mission émise dans les années 20,
de l’ensemble des acteurs concernés,
des territoires, start-ups et acteurs de toutes tailles de la distribution et du transport.
Il fut animé par un facilitateur reconnu dans son aptitude à accompagner et organiser les flux de tous ces acteurs en respect de la Planète et de l’ensemble des terrestres.

Cette approche globale permit de mener enfin une réflexion en profondeur, ceci notamment en termes de gestion des ressources. Et les premiers résultats devinrent tangibles sur le sujet si visible des emballages et suremballages.

À cette même époque en effet, l’on vit aussi fleurir de nouveaux points de vie et de collecte.
Maillage serré permettant aux citoyens de venir retirer leurs paquets, de les déballer sur place en laissant emballages et contenants devenus inutiles.
Progressivement, se déploya dans ces espaces une véritable palette de services qu’avaient annoncées en leur temps les ressourceries : ateliers de montage des petits meubles et objets déballés sur place, repair café, places de trocs et d’échanges de savoir-faire et transmission de savoirs régénératifs.
Ces lieux combinaient tous les derniers maillons et se révélèrent redoutablement efficaces pour transformer totalement le système de distribution de biens et services en le ramenant à proximité des citoyens. L’impact carbone fut immédiat.

Ces points de proximité se répartirent d’une façon totalement organique et spontanée.
Rez-de-chaussée ou boutiques vides en pied d’immeubles, mais aussi petits commerces dits de quartier et autres tiers lieux : une vaste chaîne se mit en place, trame couvrant l’ensemble de ces 12 territoires.

Il y eut une conséquence rapidement observée sur chacun des territoires pilotes.
Ce fut en effet l’une des grandes surprises de ces relais de proximité, véritables anarchitectures vernaculaires : la création d’emplois.
Car il fallait porter, monter, réparer, conseiller le tri, orchestrer l’entraide ;
mais aussi faciliter les allées et venues de tous ceux qui livraient des denrées, objets ou paquets et rechargeaient dans le même temps emballages vides, matières transformées localement ou nouveaux paquets constitués sur place. Le multisectoriel s’est évidemment vite imposé, bien sûr.
Je me souviens de ce qui semblait fol espoir alors, formulé par l’un des industriels que je croisais dans les années 25 : « Il nous faudrait utiliser le même canal de distribution/réemploi pour tous les flux ».

L’on vit ainsi surgir de nouveaux types d’emplois, mélange d’ubérisation en milieu rural pour acheminer sur les derniers mètres, d’assistance aux pionniers qui se lançaient dans la gestion de pareils espaces, comme d’aide aux citoyens redevenant acteurs dans leur consommation.
Création d’emploi certes, mais aussi création de lien social
Car quoi de plus sociabilisant que ces lieux où l’on pouvait récupérer ses achats, demander de l’aide, apprendre à monter ou réparer. Mais aussi deviser, partager.

Le système se révéla extrêmement performant,
fonctionnement organique et léger,
composition d’acteurs ayant intérêt à fonctionner ensemble.
Le maillage territorial équilibré remit ici la circularité en local,
évitant les flux superflus vers quelques points centralisés.
 

Et c’est ainsi qu’à l’image des marchés communaux que connaissaient nos anciens,
ces points de collecte devinrent progressivement de véritables fourmilières intégratives, offrant des services de tous types. Lieux de facilitation et de concertation. Où l’on échangeait. S’aidait. Riait.
Où l’on partageait recettes et idées, tissus et autres bouts de chandelles redevenus précieux.
Nous étions arrivés à cette idée qu’un des élus de ces 12 territoires me confiait. Celle d’« accepter que les lieux dédiés à l’économie circulaire puissent créer une valeur non économique. C’est-à-dire une hybridation du modèle rentable — non rentable ».

Ces centres de vie fourmillaient ainsi en centres-villes
Lesquels se mirent alors à retrouver leurs attraits et interactions.
L’alliance des différents acteurs — élus, industriels, chefs d’entreprises, designers, inventeurs, transporteurs, logisticiens — engendra un véritable « métabolisme urbain », terreau d’acteurs engagés à s’allier et s’hybrider pour éviter le retour de multiples de solutions.

 

Mais rien ne fut possible sans les acteurs de ces territoires,
de tous bords,
qui s’allièrent malgré leurs différends politiques, historiques, voire personnels.
Et je dois à nouveau les reconnaître ici pour leur présence, leur abnégation parfois, leur engagement, toujours.

C’est pour avancer avec eux que le consortium accompagna la plate-forme d’e-commerce par un dispositif gagnant-gagnant consistant à rémunérer les communes sur…
l’optimisation de chaque circuit,
l’optimisation du taux de récupération des emballages sur les points de collecte, comme des matières recyclables et du réemploi des consignes.
Mettant aussi en place des indicateurs de non-déchets — ou plutôt de déchets évités —
et des non-dépenses induites dans les équipements ou infrastructures communaux et intercommunaux.
Tous firent ainsi cause commune, s’inscrivant dans ce pilier de l’Économie Circulaire, l’Écologie Industrielle et Territoriale, qui avait tissé en son temps des propositions combinant pratiques, organisations et mutualisation au niveau local.


S’inscrivant dans la règle des 5 R, les acteurs des territoires s’allièrent pour
Refuser
Réduire
Réutiliser
Recycler

Rendre à la Terre.
Et pour se faire, lancèrent de nombreuses compétitions pour interpeller les entreprises, industriels et start-ups.

Dans cette mouvance collective, les industriels s’engagèrent, parfois avec force conviction,
dans la diminution drastique, la standardisation et l’uniformisation des emballages restants.
Pour d’autres, ce fut dans le renoncement maximal de la personnalisation des emballages ;
pour d’autres encore, dans un recyclage plus efficace, lequel fit un bond en avant, puisqu’aujourd’hui, près de 90 % de l’acier et du verre, près de 95 % de papier carton, plus de 72 % d’aluminium et de plastiques en sont issus.
Quand les industriels n’avaient pas le choix de supprimer tout suremballage, ils mirent au point des solutions réutilisables et consignables, quand d’autres explorèrent la désirabilité des emballages. Il s’agissait alors de donner envie d’en prendre soin, via des garanties à vie ou via l’esthétisation poussée, générant un : « C’est trop beau, je ne peux pas jeter ».

De nombreux vecteurs d’engagement, d’inclusion et d’enthousiasme — Jeux olympiques, Festivals de cinéma, Biennales et Concours internationaux — furent employés pour embarquer d’abord, puis pour accélérer le vaste mouvement qui s’était mis en œuvre. Chaque manifestation affichait de nouveaux dispositifs du recyclage et du réemploi, de nouvelles mutualisations en termes de gestion des consignes indifférenciées, d’emballages régénératifs, de séparation de tous les déchets compostables, de mobilité douce et partagée, de valorisation des acteurs de la livraison, de taux d’engagement des citoyens…

Enfin, à l’autre bout de la chaine et tout aussi importants, les citoyennes et citoyens plébiscitèrent le dispositif proposé par le consortium, séduits par l’expérience : entre le confort d’un e-commerce fluide et cette logistique de proximité, ils vécurent en premier lieu la suppression totale d’emballages de facing — source colossale d’économie pour tous ! Mais aussi, plus de préoccupation pour se débarrasser des cartons une fois vidés, de paquets consignes à rapporter. Sans parler du retour de l’entraide et des nombreux échanges dans ces lieux, permettant tout autant de lutter contre l’obsolescence programmée que de générer de l’intelligence collective et du lien social. L’augmentation criante de la fréquentation de ces lieux parlait d’elle-même.
Chiffres et preuves à l’appui, il a ainsi été démontré, et je nous en félicite à nouveau, combien chacun pouvait être acteur dans ce renouveau nécessaire.

Laissez-moi finir sur un sourire.
Plus encore, sur une fierté !
Permise par une traçabilité universelle désormais fiable et répandue.
La bouteille que je tiens aujourd’hui dans ma main constitue le 1er Trophée officiel de cette nouvelle façon de fonctionner. Ce qui peut sembler simple bouteille, objet de verre sans grande valeur de couleur claire, réemployée depuis des années déjà, est en fait un véritable symbole !
Elle vient en effet de fêter ses 10 ans de circuit, arrivant la semaine dernière dans l’un des points de collecte dont je reviens tout juste.
10 ans de services.
258 nettoyages et 23 ponçages. 56 280 km parcourus, dont 74 % de trajets en camions sur des trajets de moins de 200 km, 20 % à vélo et 6 % à pied… Sans parler des nombreux verres de l’amitié qu’elle permit. Un véritable Trophée !

Mais aujourd’hui, forte de ces premiers résultats probants,
j’appelle à cette tribune l’ensemble des membres de cette Assemblée à agir pour que la circularité prenne un virage décisif.
C’est pourquoi je souhaite que nous engagions enfin la création d’un Conseil de Circularité des Nations Unies.
Fort. Inclusif. Intégrant des partenaires publics, privés comme la société civile.
Doté de moyens pour jouer tout son rôle : à savoir que la Circularité devienne réflexe premier dans toutes les décisions liées à la production et à la consommation.
Qu’elle soit un véritable rempart chaque jour plus solide contre nos vieux schémas de compétition.
Il s’agit ici de sceller les actes d’une alliance entre tous ceux qui sont attachés
à notre bien le plus précieux,
l’habitabilité de notre planète pour tous.
 

Je vous remercie.

Liens vers :

5 questions à Hugo Straebler, chef de ce projet chez Sidèse

Ou vers les 2 autres récits :

1/3 : Chronique d'un atterrissage réussi?! – 1er mars 2040

-> Passer à une approche holistique et artistique de l’éco-conception

3/3 : Lettre à toi qui naîtra en 2100 – 20 octobre 2040

-> Transformer les imaginaires des citoyens à travers une transmission positive

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