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1/3. Chronique d’un atterrissage réussi ?

Retour sur ces 20 dernières années et sur l'une...

Pendant tout le mois, retrouvez dans ces colonnes les différentes étapes de la révolution de l’industrie, depuis le tsunami artistique des années 23-25.
1er mars 2040

Contexte :

Nous sommes en mars 2040.
Retour sur ces 20 dernières années et sur l’un des chemins possibles — fruit du travail de nombreuses personnes mobilisées par Citeo. Scénario fiction dessinant la sortie d’une écoconception techniciste pour une approche holistique.

En 5 jours… d’autres possibles ?
C’est tout juste sortie de 5 jours entiers, plongée dans un bocal de créativité jubilatoire, que j’écris ces lignes. 5 jours pendant lesquels j’ai eu le sentiment de toucher du doigt la potion magique de ces optimistes qui nous permirent d’avancer ces 20 dernières années.
C’est ainsi que je me suis retrouvée dans un lieu — mix de laboratoire, cuisine et salle de jeux —, entourée de designers d’écosystèmes & anthropoconteurs, historiens & architectes du temps long, biologistes & marketeurs, philosophes, musiciens & non-experts intéressés… ce que j’étais !
Nous avions 1 semaine pour réfléchir, concevoir et prototyper un nouveau produit alimentaire bio, composé d’algues, sans emballage primaire. Sur la base d’un cahier des charges aujourd’hui classique : au-delà du zéro déchet, il fallait penser à l’écoconception, aux dispositifs de collecte, à l’utilisation maximale de ressources locales, aux perspectives des impacts holistiques. Jusqu’ici, rien de bien original.

Ce furent cependant 5 jours où tout sembla possible ! Sous la houlette d’une chef d’orchestre spécialisée dans l’approche cognitive et comportementale, entre divergences et tensions créatives, nous nous sommes écoutés, nous ajoutant les uns aux autres, hybridant nos vibrations et pinceaux pour produire une énergie nouvelle. Renforçant ainsi le lien qui nous rendait meilleurs, ensemble. Nous nous interrogions sur le sens et la responsabilité, avant de penser le comment et nous y atteler concrètement. Les années 2015/2025 semblaient bien loin !

D’une approche technicienne de l’écoconception, au réveil du.des sens
Ces années nous voyaient, en effet, nous enfoncer chaque jour dans des impasses toujours plus absurdes, fruits d’une logorrhée réglementaire, d’une complexité toujours plus grande et du fantasme d’un contrôle absolu. Acteurs industriels, pouvoirs publics et facilitateurs : tous se retrouvaient comme… coincés.
C’est alors que, créant la surprise, tel le verrou qui brusquement cède sous de trop fortes pressions, les Maisons de luxe opposèrent une autre approche. Celle du souffle, de l’élévation par l’art, de la grandeur du geste. Ils s’engouffrèrent dans une écoconception s’inscrivant dans une logique globale. Transdisciplinaire. Au service de l’essence du produit, non plus fruit d’un seul carcan législatif ou d’ingénierie.
Aux contraintes de toutes parts, les directions artistiques répondirent par le mouvement, l’amplitude, les volutes, le beau, la virtuosité.
À la grisaille, ils répondirent couleurs.
Aux process et à l’hyper technicisation, ils répondirent vivant, ondes, harmoniques.

Tels des moteurs enfin débridés d’une hyper normalisation, les maisons de luxe réveillèrent nos sens, chatouillèrent nos appétits, appelèrent nos émotions dans ce qui fut une véritable explosion artistique ! Tous azimuts.
Pénétrées de leur histoire, de leurs expertises et de leur goût du merveilleux, elles reprirent leur liberté par l’expression du sensible. Affichant leur savoir-faire immémorial — et infalsifiable — que portaient haut leurs directions artistiques.
Ces Maisons remirent ainsi le design et l’art au cœur de leur métier. Conviant le subtil au quotidien.
Intégrant les émotions dans les objets et produits.
Nous réinvitant progressivement à un rapport sensible avec ce qui nous entourait, elles nous aidèrent à nous extraire d’une logique d’ingénierie et de marketing — valorisant la possession et la nouveauté — par une esthétique holistique. Exit les années 20 ! Nous amorcions bien le virage vers les années 30 puis 40.
Voilà qui en challengea bon nombre, start-ups, PME et grands groupes.

- Aux contraintes de toutes parts, les directions artistiques répondirent par le mouvement, l’amplitude, les volutes, le beau, la virtuosité.
À la grisaille, ils répondirent couleurs.

Une R&D de 3,8 milliards d’années à notre service !
Si l’esthétisme toucha les âmes et réveilla les cœurs, c’est le biomimétisme qui permit de faire la bascule. Appréhendable par tous les secteurs et tous types d’entreprises, l’inspiration du vivant a enfin ouvert, à grande échelle, de nouveaux partenariats avec la nature. Des réponses inédites.

Cette approche, usuelle aujourd’hui, demandait, dans ces années 22-25, beaucoup de pédagogie. Il était encore nécessaire de démontrer combien les 3,8 milliards d’années d’évolution biologique de la vie sur Terre pouvaient être source d’observation et d’inspiration. Combien l’ingéniosité des solutions comme des techniques du vivant pouvait nous souffler d’autres pistes et idées face à nos besoins. Germes d’innovations fécondes et audacieuses pour des réponses soutenables.
Comme l’illustraient ces LED aux puissances décuplées depuis l’étude de l’abdomen des lucioles. Ou ces écrans de nos tablettes et smartphones aux reflets réduits, inspirés du fonctionnement des yeux des papillons de nuit. Et ces emballages alimentaires, fruit d’alliances de champignons et de microorganismes.
Léonard de Vinci ne le disait-il pas dès le 15e siècle : « Va prendre tes leçons dans la nature, c’est là qu’est notre futur » ?

C’est ainsi que les folles années 25/32 virent fleurir, dans tous les secteurs, la création des appels aux idées et concours d’intérêt général attachés à l’émotion artistique comme à des partenariats inédits avec le vivant. Les plus grands noms se lancèrent, mêlant leurs voix et talents dans tous types de produits : lessives et crèmes, pizzas ou éléments de décoration, voiture et sodas. Place à l’émerveillement.
Au sensible. À l’organique.
Au service d’objets vivants aux vies multiples. Qu’ils soient trains, lunettes, colles, enduits, formes ou emballages…
Tout s’est mis à tourner autour d’une pensée circulaire systématique. Générant des changements des méthodes de productions et d’assemblage/désassemblage en vue de réutilisations ; une organisation différente des marchés ; l’évolution des cadres juridiques ; etc.
Protéger, restaurer, régénérer étaient les nouveaux mots d’ordre.

- Va prendre tes leçons dans la nature, c’est là qu’est notre futur. Léonard de Vinci

Un nouveau mix énergétique entre sens, esthétique et humour
Conséquence de cette approche, nous avons alors gagné comme une joie indicible. Nourrie par l’émerveillement devant ce qui nous entourait depuis la nuit des temps. Nous aidant aussi à recouvrer le sens, qu’en cette période, jeunes et moins jeunes s’efforçaient de trouver, bien en peine.
En résonance avec la logique du vivant, tous se mirent à rechercher le geste juste — centré sur l’usage. De l’efficacité du mouvement du chef cuisinier ou de la main du calligraphe à l’harmonie colorée du mosaïste ou à la précision du lapidaire. Tout simplement.
La justesse du geste combinée aux conditions d’habitabilité de la planète.
Ce fut aussi le grand retour de l’expérience, remise au cœur du réacteur. Conception et maintenance, autrefois séparées, s’allièrent alors, réinvitant le Temps Long.

En parallèle, un travail en profondeur fut mené, qui permit à une nouvelle représentation de la circularité de se manifester au sein des entreprises comme dans les écoles — de commerce notamment. L’approche fut ainsi relayée via les supports les plus variés, de la communication à la BD et à la littérature, dans les films, au théâtre et jusque dans les jeux des enfants. Conduite du changement, conventions citoyennes, fresques et autres systèmes pédagogiques… le récit ne pouvait être le même quand le déchet devint ressource.
La fin de vie — circularité.
Le tri - optimisation collective.

Les phénomènes de fortes mobilisations citoyennes et de shaming furent aussi les alliés de cette révolution culturelle de l’industrie. Plus amplifiés encore dans les années 21/25.
Imposant questions, débats et transparence.
Renforcés par une traçabilité toujours plus fiable grâce à la mise en place de L’UNI TRACE, ils accentuèrent la pression. Invitant au passage un autre ingrédient inattendu : l’autodérision ! La prise de conscience opérée en retournant aux fondamentaux nous fit, en effet, tout autant rire que pleurer, entre spectacles ou caricatures. « Et si on revenait à l’essentiel » devint le claim de ces années charnières.
L’essentialité pour commun. Accompagné du grand retour de la valeur ajoutée.

-En résonance avec la logique du vivant, tous se mirent à rechercher le geste juste — centré sur l’usage.

Et là… tu crois qu’on va atterrir où ?
En ces années 25/35, les résistances des citoyens restaient vives. Ils étaient encore nombreux à juger, souvent par principe, non crédibles toutes les actions que tentaient les industriels. Cherchant où était le piège. Persuadés qu’il y avait intention prédatrice !
C’est alors que dans l’industrie de la cosmétique, des entreprises se mirent à afficher une liste, toujours plus courte et plus claire. Leur cleanlist répertoriait les ingrédients sélectionnés par produit, accompagnée d’une seconde listant les ingrédients auxquels elles ne recourraient pas — ou plus.
Les entreprises de la grande consommation prirent aussi à bras le corps ce sujet de transparence : il s’agissait de retrouver la confiance des citoyens.
Ils s’engagèrent dans une honest communication (autodérision là encore !), donnant accès aux données qu’ils avaient — en permettant que celles-ci puissent être utilisables et compréhensibles. Et associèrent les consommateurs tant à la conception de nouveaux produits et services qu’à la résolution de problèmes qui étaient, pour que chacun puisse se former, s’informer et faire des choix éclairés.

Combien ce chemin des 20 années a été passionnant !
Combien le virage amorcé du plus vers le mieux nous semble aujourd’hui évident !
En cette rétrospective des vingt dernières années, je me souviens combien peu de possibles paraissaient envisageables dans les années 20/25. Mais encore chargée de la créativité jubilatoire de ces 5 jours évoqués en début d’article — qui nous vit déboucher sur une idée qui, je l’espère, deviendra bientôt aussi répandue que la célèbre boîte d’œufs en mycélium permettant de faire une omelette aux champignons ! —, je me dis que d’autres pistes étaient bien réalistes. Qu’il restait donc de la place pour de nombreuses initiatives, jugées inenvisageables alors...
Cela me fait penser à Bruno Latour, parti il y a 18 ans déjà. Cet inclassable qui mêla philosophie, sociologie, anthropologie, art contemporain et théâtre dans son travail nous engageait, dans les années 20, à atterrir. Pour inventer de nouvelles manières d’habiter le monde… avec l’ensemble des terrestres. Aujourd’hui où le virage semble enfin amorcé, que pourrait-il bien nous souhaiter s’il était encore là ?

-Inventer de nouvelles manières d’habiter le monde… avec l’ensemble des terrestres. Bruno Latour

1er mars 2040. L.D
Correspondante Design & Vie

Liens vers :

5 questions à Hugo Straebler, chef de ce projet chez Sidèse

Ou vers les 2 autres récits :

2/3 : Discours de l'ambassadrice de la Circularité de l'Union européenne à l'Assemblée générale des Nations Unies – 26 septembre 2040

-> Pousser des consortiums muti-acteurs pour révolutionner les dynamiques territoriales

3/3 : Lettre à toi qui naîtra en 2100 – 20 octobre 2040

-> Transformer les imaginaires des citoyens à travers une transmission positive

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