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Mathieu Baudin, navigateur, conteur, explorateur de futurs souhaitables

Larguant amarres et apôtres de la fin du monde, cap sur une humanité rimant avec responsabilité, vers une confrérie rimant avec rêverie, paris et défis sans prophétie !

Mathieu Baudin, directeur de l’Institut des Futurs souhaitables.
Historien et prospectiviste.

« Trente onze » ans et « optimiste offensif par volonté » dit-il lui-même. L’œil rieur.
La photo est là. Mais j’ai comme le sentiment qu’il me manque une langue, restant à inventer encore, pour trouver les mots et images me permettant de dessiner, de décrire Mathieu avec justesse tout en respectant son abondance.
Une langue d’un futur à construire dès aujourd’hui. De celle qu’utiliseraient ces Magellan qui osent embarquer vers une terra encore incognita, à l’heure de Google Earth. De ceux que l’on appelle aussi les crapauds fous, faisant cohorte pour tricoter différemment les fils d’une société où il ferait bon vivre ensemble. A réinventer. Plus que jamais.

Fils d’instits, de ces Hussards noirs de la République, qui à la fin du 19e siècle, luttaient contre le dogme, pour donner les moyens de penser par soi-même ; mais aussi tailleur de pierre, origamiste, boisselier, explorateur du futur…
Mathieu fait partie de ces tisserands dont j’ai le sentiment que nous avons tant besoin aujourd’hui pour nous aider à oser penser large et différent.

Entouré de ses compagnons de route et d’invention, il tisse des liens et relations magnétisées par le même Nord. Celui d’un cap qu’il nous faut oser viser, humaniste. D’un futur en audace et responsabilité.

Cet « exponentiel de tout » cherche… tous azimuts : de nouveaux chemins, de nouveaux récits, de nouveaux talents pour inventer dans de nouvelles directions, celles de futurs souhaitables.
L’un de ses credo : « la grande valeur du travail, c'est de pouvoir s'approprier une partie de la destinée. »

C’est l’an dernier que j’ai eu la chance de retrouver Mathieu, après plusieurs années sans nous croiser. Montée à bord de l’une des caravelles affrétées par l’Institut des Futurs souhaitables (IFs) qu’il a cocrée, j’ai vécu un voyage dont on ne revient pas tout à fait la même… Cadeau du ciel que ce moment d’intelligences plurielles et de toutes les couleurs ; que ce voyage plein de rencontres, de découvertes, de liens, d’engagement, de sourires. Gratitude envers tous ses protagonistes, bien sûr. Et grand grand plaisir que de faire parler Mathieu. Qui commença l’entretien avec un… « j’ai un vieux truc qui est de ne jamais rajouter au bruit. Dès qu'il faut prendre la parole, il faut vraiment que cela ait une valeur pour casser le silence. »
Oups !! la barre est haute. Mais ravie de tenter le coup 😊. Encore merci à toi Mathieu ! Et tentons de ne pas ajouter du bruit au bruit…

Monde des Possibles : Historien et prospectiviste, passionné par l’espace-temps... on fait comment le grand écart entre le passé et le futur ? Et est-ce qu’il y a une logique dans tout cela ?
Mathieu Baudin : La pratique des deux disciplines, si tant est que la prospective soit une discipline, se ressemble, même si chacune regarde de son côté.
L'historien raconte une histoire. Mais il n'est pas à côté de Louis XVI à la prison du Temple à la fin de sa vie ; comme il n'est pas à côté de Vasco de Gama quand il passe le cap de Bonne Espérance. Il a un certain nombre d’éléments, de variables, de testimoniaux, et il en fait une histoire.
Le prospectiviste fait pareil. Il n'est pas physiquement en 2040 quand il parle. Mais il a un certain nombre d'éléments, et il en fait une histoire.
Et ce qui est intéressant c’est que les deux peuvent changer l'histoire avec de nouveaux éléments.
L’historien, si un archéologue trouve un artefact qui remet en cause la théorie, parlera d’angles nouveaux avec évidence. Comme les cosmologues parlent du Big Bang naturellement, alors qu’existait avant une autre théorie. Le prospectiviste fait pareil : il change son histoire au fil des découvertes ou évènements. Mais plus souvent encore que l’historien, parce qu'il est contemporain de son sujet.
Et les deux sont de grands raconteurs d'histoires. Ce qui tombe vraiment bien, car il manque d’un grand récit d'un monde qui donne envie d'aller vers lui.

Ce que je ressens profondément, c'est que le futur est mal traité.
Mal traité, parce que nous ne savons pas le traiter.
Et maltraité parce nous le projetons dans de la violence. C’est souvent la réalité augmentée de ce que l’homme a de pire à la télévision ! Or le futur est aussi - en partie - ce que nous allons en faire.

Nous qui parlons de futurs souhaitables, à l’IFs, nous sommes aussi crédibles que ceux qui parle d'un futur échoué !
D’un côté, il y a une volonté ; de l'autre, une absence de volonté. Tout ça pour dire que l'Histoire comme le Futur sont un immense prétexte à éclairer le présent. C’est en ça qu'il y a une logique.

MdP : Mais les jalons permettant de réinventer l’histoire sont quand même plus tangibles que les éléments d’où part la prospective ? Car on a le sentiment que cette dernière s’appuie sur des signaux faibles, ténus, et de ce fait très contestables ?

MB : Il y a bien les signaux faibles ; c’est finalement la partie la plus noble, la plus excitante du métier, la plus raffinée de l’art de la prospective. Mais il y a aussi des tendances lourdes. La raréfaction des ressources est une tendance lourde. Les incidences sur le climat sont aussi une tendance lourde. Auxquelles s’ajoutent les inerties, que l’on sous-estime généralement, mais qui sont pour autant bien là.

MdP : Il est quelques mots qui ressortent souvent chez toi, véritables moellons dans ton fonctionnement.

Par exemple, si je te dis... intuition ?

MB : C’est, je crois, la seule chose que j'ai vraiment vraiment de précieux. De précis peut-être.
Je ne sais pas où elle se niche d’ailleurs … Mais je suis mes intuitions, qui m'emmènent dans des territoires. Après, je cherche quelque chose en filigrane. Puis je trouve des éléments un peu partout que j'assemble, ce qui fait quelque chose de singulier.
Avec toujours ce même fil rouge : celui de l’empowerment, c’est-à-dire de donner davantage de capacité d’action, d’émancipation à chacun. C’est juste que l’intuition… il faut la gérer. C’est assez facile de la vivre : tu te sens un peu brouillon, tu perds tes clés, tu égares des choses parce que ton cerveau est occupé à autre chose. Ce qui n’est pas grave, tu refais tes clés !
Mais c’est de la partager avec les autres qui est compliqué. Parce qu’ils ne sont pas au même endroit, au même moment de réalité.

Souvent, tu as une intuition qu'il faut aller dans cette direction plutôt que dans une autre.
Ou que c'est plutôt du rouge et du manganèse qu'il faut mettre à ce moment-là ; que ce poisson, tu le trouveras plus facilement dans cette crique ensoleillée, parce que la proie s’y trouve… Tu ne le sais pas. Tu ne l'as pas lu. Mais c’est un mélange d’intelligence, de culture, de pari, de quelque chose comme ça. C'est à ce niveau-là que cela se gère.

Après il y a plusieurs strates. Face à l’état du monde et à ces changements de direction à imaginer, il existe de nombreux outils pour aborder ces nouvelles terres : l’outil des mathématiques, l’outil de l’art, de l’histoire, de la prospective, de la sociologie, de la décolonisation de l'imaginaire !

MdP : Si je te dis... taille de pierre ?

MB : Pourquoi je taille de la pierre plutôt que de contempler les cathédrales que j’adore ? Pour comprendre encore mieux les cathédrales en me confrontant à la matière !
Pour moi, le premier travail, dans la taille de pierre est d'écouter la pierre. De la comprendre. Si l’on avance trop vite, il y a un risque de ne pas avoir vu qu'il y avait une veine, et… cela casse. Et donc, cela nous prendra plus de temps pour arriver à l’objectif souhaité.
La deuxième chose, c’est d'avoir une projection. Car il ne s’agit pas de tailler, mais d'enlever le superflu. Le cheval cabré, il est déjà dans la pierre. C'est une autre vision. C’est un changement de regard.
Et tout ce que je propose, toutes mes expériences, c'est justement cela : un changement de regard.

MdP : Si je dis… puissance ?

MB : Je parle souvent de la « puissance de faire ». Ce qui n’est pas le pouvoir, qui ne m'intéresse pas.

Mais la puissance d'impact. Qui nous manque aujourd’hui.
La puissance de la beauté aussi ; il n'y a pas de grande ou de petite beauté, mais il y a de petites flammes ou des feux d'artifice incroyables.

MdP : Si je dis… mixte réalité ?

MB : C’est quelque chose qui en ce moment m'intéresse beaucoup.
Plutôt que d’évoquer ce que pourrait devenir demain, si nous étions en condition de le vivre, de l’apprécier ?

Prenons l’exemple des voies sur berges à Paris : via la réalité augmentée, il est aujourd’hui facile de proposer une immersion totale pendant laquelle il serait possible de visiter, de vivre un Paris totalement végétalisé. Un Paris ré ensauvagé en vert et en oiseaux, comme je le rêve !
Une fois hors de la machine ayant permis de « vivre dans ce monde virtuel » et de nous y sentir comme si cela existait, et que nous retrouvons la réalité telle qu’elle est… Nous aurions gouté le futur avec une telle onctuosité que nous voudrions certainement le faire advenir plus vite.

MdP : Et si je dis… économie du don ?

MB : Cela fait plus de 20 ans que je suis dans cette aventure de rêver l'Institut ; pendant les 10 premières années, j'ai donné énormément. Puis Jean-Luc (Jean-Luc Verreaux, cofondateur de l’IFs) est venu pour rendre possible l’idée, me disant : “ C’est faisable. On peut vraiment le faire !”. Et tous ceux à qui j'avais donné sont alors venus pour nous renforcer à ce moment de la partie, sans avoir rien demandé. Les Patrick Viveret, les Cynthia Fleury, les Thang Nghiem, les Joël de Rosnay …

Incroyable !

Et cela, c'est la puissance de l'économie du don, qui est une véritable économie.
Si je devais quantifier tout ce que nous nous sommes échangé depuis 20 ans, nous ne serions pas mal en termes de richesses connues et reconnues du 19e siècle. Ils sont tous venus libres et gratuit, comme moi j’étais venu libre et gratuit. Ils viennent partager cette expérience de cette nouvelle humanité.
Et ce qu'ils aiment, c’est l'espace privilégié, mélange subtile de Bienveillance et de Bien vaillance, où ils peuvent rencontrer d'autres explorateurs, non pas comme eux mais complémentaires à eux. Un aventurier comme Tarik Chekchak le biomiméticien rencontre Malek Boukerchi, l'ultra runner-marathonien ; Karen Bastien – incroyable data designeuse, qui met le beau au service de l’utile – échange avec Virginie Raisson Victor, fantastique géopolitologue qui la joue autrement.

MdP : Et si nous faisions un exercice de prospective ? Que nous parlions d’uchronie ! Quel serait ton récit pour la Terre et pour l’IFs en 2040 ?
Uchronie : de « u », le négatif + « chronos », le temps ; soit donc un temps qui n’existe pas. Angle permettant de réécrire l’histoire en y mettant un élément de fiction, ou d’écrire le futur : ce qui aurait pu être ou pourrait se produire.

MB : En 2040… La Terre a réussi à comprendre qu'elle était une et une seule. C’est-à-dire que la notion de nations est devenue obsolète ; c’était « avant ».
Là, nous avons une entité, une communauté de destins. Ce qui fait que nous sommes tous liés, pour le meilleur, les uns aux autres. Avec une sorte de gouvernance redésignée. Dans un espace dont la biosphère est la seule frontière.
Nous avons pris le meilleur de toutes les cultures, c'est-à-dire que chacun a une partie de la solution : africains bien évidemment, chinois, birmans, islandais, etc.

Et cela est d'autant plus facile que nous avons une petite oreillette qui traduit la subtilité et le trait d'esprit de la langue d’en face. Donc, il n'y a plus aucune langue devant se déprécier en se traduisant par l’anglais.

Dans le maori dans le texte, nous apprécions une métaphore qui nous fait voir leur Victor Hugo différemment : le rêve !

Il y a aussi des « cours de futur » à côté des « cours d'histoire » dans l’Education. Histoire d’être acteur de sa propre histoire.

MdP : On met quoi dans ces cours de futur ? Et quels types de profils pour les donner ?

MB : Il y a besoin de roman, de récit, de fiction, de narration, de conte pour donner envie d’avancer : ce peut être des poètes…

Il y a besoin d’histoire, de savoir d'où l’on vient pour savoir où l’on va, avec des historiens.

Il y a besoin de pédagogie ; il y a donc des maïeuticiens, des accompagnateurs de connaissance.

Il y a beaucoup de curiosités, soit la présence de coachs en curiosités.

Tous les candidates et candidats, d'où qu'ils viennent, peuvent inventer cet enseignement. Chacun vient avec sa tessiture ; qui du designer, qui du philosophe, qui de l'historien, qui du sociologue de l’imaginaire …

Bon… je sens que cela va être quand même un peu difficile de faire tout cela pour 2040, qui n’est quand même pas si loin !
De ce fait, à l’IFs, nous sommes encore là, comme une Maison. Pas très grands. Telles les vieilles Maisons d’Excellence, les Maisons d’Art.
Avec la capacité, comme les cathédrales du 13e siècle, d’accueillir ces talents un peu esseulés portant l’envie de réaliser un chef-d'œuvre : « Bienvenue, deviens qui tu es. Tu as besoin de quoi ? ».
S’il a besoin d’argent, nous avons une capacité financière permettant de lui éviter de perdre du temps à trouver de l'argent pour commencer. S’il a besoin d'outils et d’expérience : « Voilà, là tu as les meilleurs en neurosciences. Tu veux en plus un spécialiste d'art sumérien ? Le voici ». Ce qui lui permet de mener ses recherches et de faire son chef-d'œuvre. Et de donner à cette nouvelle discipline, à ces nouvelles humanités, quelque chose en plus.

MdP : Je me rappelle t’avoir entendu dire : « il est temps que les entreprises jouent le rôle de Médicis, pour que les Michel-Ange et autres Raphaël puissent se réaliser » … tu peux préciser ?

MB : C'est cela, nous serons devenus des Médicis !

Avec l'amour du beau au service de l’utile.
A donner sa chance à toutes les folies.
Une Maison qui protège toutes celles et ceux qui cherchent, qu’ils s’appellent changemakers, jardiniers de la nature humaine ou autres - ils viennent avec la sémantique qu’ils veulent -, leur faisant gagner du temps.

Quant aux entreprises Je sens en effet que l’on est à ce moment précis où les Médicis d’aujourd’hui doivent rencontrer les Botticelli, les Pic de la Mirandole, les Galilée du Monde d’Après.

MdP : Aujourd’hui, les signaux forts concernant la planète sont avérés : évolution du climat, disparition des oiseaux, de la biodiversité… Comment arrives-tu à garder ta flamme, ton élan ?

MB : J'ai 2 réponses.
Il y en a une qui est bizarre ; elle est parfaitement traduite par Matthieu Ricard qui dit : “il est trop tard pour être pessimiste”.
C'est juste une condition de survie, de prendre sa destinée en main. C’est comme quand tu es dans le torrent, la meilleure façon n'est pas de lutter mais d'aller plus vite que le torrent, pour aller où tu le souhaites.

L'autre réponse, c'est que je sens profondément que nous n’avons jamais eu autant de capacités à notre disposition que maintenant. Donc il y a un coup qui est… jouable.

Ce n'est pas un « coup à jouer ». C’est un coup qui est « réalisable ».

C’est là où l'optimisme est une affaire de volonté. Je ne suis pas né optimiste ; je ne me réveille pas optimiste. Cela fait 20 ans que je lis les rapports de la CIA, et ne suis pas naïf du monde tel qu'il est. Je suis un optimiste offensif par volonté.

MdP : Je rebondis sur ce courant de la « collapsologie » - qui étudie l’effondrement de notre civilisation industrielle. Tu leur réponds quoi, à ceux qui pensent ainsi ? Tu les mets où dans ta cartographie ?

MB : Ce sont nos cousins. Nous avons les mêmes données en main, mais nous n’en tirons pas les mêmes conclusions.

Nous sommes, chacun, vraiment très lucides sur l'état de l'art.

Mais là où je présume qu'il y a une divergence, c’est sur notre capacité et notre volonté à faire différemment.

Je pense qu'ils ont perdu l'espoir que l'homme puisse faire différemment que ce qu'il a toujours fait

C’est là où moi, je ne suis plus l'historien qui regarde l’histoire en train de se faire, je suis l’acteur de sa propre histoire. J’ai vraiment l’intuition que nous avons les moyens de faire différemment.
Annoncer la fin de la civilisation, c’est classique. Moi j’ai envie de me dire que nous allons faire différemment. Qu’au moins, cela se tente.

Ils ont certainement raison. Peut-être… Mais nous aussi, on a peut-être raison. Et cela se tente !

Quand j’ai commencé à donner des cours de développement durable en 2003, je commençais mes cours par cela : l’état du monde. Bien sûr, cela alerte. Mais en fait, cela tétanise aussi, activant le cerveau reptilien.

Et le reptilien quand il est provoqué, il lui importe peu que chacun s’en sorte. C’est soi et sa famille ; ce n’est en aucun cas le groupe, la nation ou le genre humain.

D’où mon choix de faire autrement : je préfère donner l’énergie de penser que c’est réalisable.

Nous ne sommes pas dupes de l’état du monde. Nous ne sommes pas en train de le masquer.

Mais nous avons ainsi arrêté de parler de collapsologie pour dire : voilà l’état du monde, et notre enjeu est de dépasser cette réalité en conscience, ensemble.

MdP : Aujourd’hui, qu’est-ce qu’il chercherait, l’explorateur, le Magellan des temps modernes ? Quel serait le cap ou le passage à découvrir ?

MB : C’est vrai que tout semble découvert, cartographié. Grâce à Google Earth, il est possible de tout voir, partout.
Donc cela ne serait sans doute pas un voyage spatial, géographique.

Peut-être un voyage philosophique ? Pour redécouvrir notre humanité. Sur l'exploration de notre temps.

Il s’agirait de redécouvrir en conscience la Terre : voilà qui serait une véritable découverte ! Nous l’avons tellement chosifiée. Et en avons une telle vision, complètement étrangère à nous.
Retrouver la symbiose que nous avons avec cet état de l’art est une forme d’exploration ; qui demande du courage. Cela demande en effet de casser des dogmes qui ont été érigés depuis si longtemps.

Oui… je pense que cela serait plutôt une redécouverte philosophique, la redécouverte du lien à la Terre et à notre humanité.
Mais cela serait aussi un voyage, une aventure ; où il nous faut une équipée, une caravelle, des compagnons d'aventure et une cohorte d'explorateurs.

Notre confrérie, à l’IFs, est une confrérie d’explorateurs qui découvrent une part d’humanité que nous avons oublié, et que nous sommes en train de redécouvrir.

MdP : Qu’est-ce qu’il manque à notre époque pour aller vers un futur souhaitable ? cela serait quoi les petits pas de chacun ?

MB : Je ne les connais pas ces « chacun » 😊 Mais toi et moi, nous pouvons déjà faire. Plus nos amis, plus les amis de nos amis, plus tous celles et ceux…

La Renaissance, à laquelle notre époque est souvent comparée, était une période de violence et de créativité ; nous sommes en plein dedans. La violence est bien réelle. Et il y a une énorme créativité… il n'y a qu'à voir Pinterest, c’est l'application qui me plaît le plus ! Il est possible d’y voir une créativité humaine incroyable, sans nécessité d’être un grand artiste.

Mais ce qui manque dans cette Renaissance, c’est ce que nous évoquions tout à l’heure : que les Médicis croisent les Raphaël. Nous sommes à ce moment-là de notre aventure. Il faut que les fortunés, et n’y en a jamais eu autant qu’actuellement, partagent une partie de leur fortune pour incuber le monde d’après - qui sera leur survie aussi ! S’ils ne le font pas, nous serons tous perdants.

S’ils veulent encore être un peu puissants après, il faut qu'ils accompagnent ce mouvement maintenant.

Si nous restons dans l’analogie avec la Renaissance : déjà, nous ne sommes pas 500, comme ils l’étaient, mais 500 000 voire 500 millions plus tous ceux qui s'ignorent. Et nous avons des pouvoirs incroyables !
J'aime bien le côté démiurgique de la mythologie ; ces petits dieux mineurs qui avaient tout pouvoir pour faire ce qu'ils voulaient, des hybridations, des chimères et autres. Il me semble que nous sommes dans ce type de phase actuellement, et nous ne sommes pas tout seuls. Ce qui me rassure sur notre capacité à faire.

MdP : Est-ce que tu as l’impression que ce discours commence à être entendu par les plus riches ?

MB : En fait, je ne les connais pas ; nous ne sommes pas encore dans les mêmes sphères ! Il n'y a pas de ponts assez… même si TED est un pont, et que dans les spectateurs, il y a des Bill Gates et d’autres.

Eux-mêmes sentent que le monde ne peut pas continuer comme ça.

S’ils nous laissent une toute petite place, nous entrons ! Comme la nuée d'oiseaux ! La nuée est un joli modèle : tous les oiseaux doivent faire un pas de côté pour que le nouveau arrive, et le nouveau doit trouver sa place.

Nous sommes à ce moment-là de notre aventure.

Mais il y a autre chose. Je répète souvent cette maxime qui m’a beaucoup marqué : « Si le Dalaï Lama et Mère Térésa jouaient ensemble au Monopoly, la fin serait toujours la même ! Ce n’est pas un problème de joueurs, c’est un problème de jeu ». Il nous faut questionner le design du jeu en effet. Les règles de nos fonctionnements.

Nous vivons aujourd’hui dans un design, un ensemble de règles et de fonctionnements, qui remonte, pour le plus récent, à 1950, à l’après-guerre… et qui n’est plus adapté aux défis actuels. Face auxquels nos organisations n’arrivent pas à proposer de nouvelles réponses.

Il nous faut faire différemment.

C’est comme cela que nous avons imaginé l’Académie du Futur !

L’idée était simple. Nous avons proposé aux personnes en ayant le pouvoir :

- Donnez-nous l’Académie française le dimanche après-midi.

Le lieu est fermé, nous le savons ; mais vous chauffez quand même ?

Ouvrez-nous ce lieu le dimanche après-midi, et nous y mettons des explorateurs, ces inventeurs dont nous avons parlés.

Donnez-nous une problématique sur laquelle vous être en difficulté pour X raisons.
Et rendez-vous dans 6 mois.

Nous, nous créons l’Académie d’Immortels Ephémères.
6 mois. Dans 6 mois, nous savons que cela sera fini. Pas de rente.

Après, qu’est-ce qu’il peut bien se passer ? Au pire, ça marche !

Je ne leur ai demandé que cela : ouvrir le dimanche après-midi. Pas d’argent. Pas de rente, nous faisons gratuitement don à la République d’une partie de notre temps pendant 6 mois.

La porte s’est refermée.
Mais nous nous rapprochons. Le prochain coup sera le bon. En attendant… nous allons le faire sans eux !

Ne vous l’avais-je pas dit ? Il me manque des mots, pinceaux et couleurs pour parler du monde de Mathieu et de ses acolytes. De leurs mondes et de leurs rêves pour nous proposer de nouvelles directions…
Disons déjà #Intuition #Confrérie #Congruence #Générosité #Exponentiel #Audace et… #Curiosité, c’est sûr ! Curiosités « au pluriel » nous dit-il encore !

Super grand merci, Mathieu ! De cet échange et de tous ces moments atypiques que toi et tes amis savez créer!

Carole Babin-Chevaye

Crédit photo : Ruben Grande

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