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Guillaume Capelle et Singa : les liens pour clé de voûte.

30 ans tout juste, celui qui a co-fondé une communauté présente dans 7 pays, bientôt 9, commence notre échange en se présentant comme… « Guillaume. Grand frère, parce que ma relation avec mes 2 petits frères est une dimension familiale importante. Papa d’Arthur et mari de Christelle. »

Ce serait simplifier le débat que de s’arrêter là. Puisqu’il ajoute quand même se présenter… comme « la personne qui a créé Singa, projet qui répond à une problématique que j’ai identifié il y a 7 ans en Australie, et qui est devenu ma mission et ma quête de sens. »

Singa ? … D’abord une posture ! D’apprentissage, d’enrichissements réciproques. De rencontres surtout, mot-clé dans la bouche de Guillaume Capelle. Un mouvement citoyen aussi, dont l’objectif est de créer du lien entre personnes réfugiées et société d’accueil, au-delà des mots et clichés autour des migrations comme des migrants. Présent dans 17 villes dans le monde, en test à NY et Barcelone, fonctionnant avec 70 personnes à temps plein, avec un réseau de plus de 30 000 membres de toutes les nationalités.

Grand merci à toi de cet échange inspirant, Guillaume ! Et bien envie que Singa fasse des émules pour que se multiplient partout des lieux de parité, d’échanges, d’altérité.
#OnPeutRever… car #SingaL’aFait !

Singa c’est ?
Un projet. Qui répond à une problématique que j’ai identifiée il y a 7 ans, lorsque je travaillais en Australie.
C’est aussi une manière très organisée et très stratégique de résoudre un problème. Problème qui vient du fait que l’on manque cruellement d’espaces pour se rencontrer quand on arrive dans une nouvelle ville, ou que l’on est déjà là; de lieux communs qui peuvent permettre de faire en sorte que la migration soit un vrai enrichissement. Et qu’y puissent s’y révéler des talents, permettant de faire fusionner des expériences et des compétences.

J’étais donc en Australie quand j’ai vu ce manque. Capté cette absence. D’où la décision d’en faire mon job, c’est-à-dire de créer des espaces dans lesquels on va d’abord pouvoir se rencontrer, et faire des projets ensemble.

Est-ce que le chemin que tu as fait, depuis tes 23 ans jusqu’à aujourd’hui, s’est déroulé comme une ligne droite ? Une évidence ?
J’ai grandi sans idole, donc sans modèle ou repère à suivre.
Sans objectif non plus. C’est-à-dire que je n’avais pas envie de devenir médecin, ingénieur ou prof. Mais petit, tout ce qui avait trait à la création me passionnait. Je passais des heures et des heures à dessiner, écrire, même à l’école, où je me suis beaucoup ennuyé ! Je ne me rappelle pas grand-chose de cette période-là, jusqu’au choix de mes études supérieures – dans les relations internationales ; je ne savais pas quoi faire d’autre ! J’étais vraiment perdu sur ce que pourrait être ma vie.
Et le 1er moment où je me suis emparé de ma vie, grâce à l’écriture et au dessin, a été quand j’ai fait des rencontres.

C’est ainsi qu’en Australie, j’ai rencontré des jeunes qui m’ont fait penser à mes frères.
Ils étaient enfermés dans des centres de détention parce qu’ils avaient eu le malheur de demander à être protégés par un pays, alors qu’ils fuyaient une guerre ou des persécutions. J’avais du mal à trouver normal qu’on enferme « mes frères », qui n’avaient simplement rien fait d’autre que de naître à un endroit différent !

J’ai aussi fait des rencontres de personnes qui m’ont fait penser à mes parents. Des entrepreneurs. L’un employait 300 salariés dans une distillerie, en Irak, et n’était, tout à coup, plus personne en Australie. Dans le cadre de mon travail, je devais les aider… alors que j’avais juste envie de passer des heures et des heures à écouter Armed me raconter sa vie et son histoire ! C’était lui qui pouvait m’apprendre plein de choses sur l’entreprenariat, sur l’alcool, la distillerie et tellement plus ! C’était passionnant ! J’étais censé aider quelqu’un qui était 100 fois plus brillant et avait tellement plus de choses à m’apporter !

Or le dessin, pour moi, ce n’est pas juste un crayon et une feuille ; on parle de « design », au sens de « concevoir » des choses nouvelles, et de concevoir des expériences nouvelles. C’est comme cela que je me suis servi de ma vision ; d’être capable de voir, pour imaginer de nouvelles solutions. Simples. Voyant que les rencontres m’avaient transformé, il m’a semblé naturel de les démultiplier.

Comment on avance sur un projet finalement peu « ancré » comme celui de créer des rencontres ?
Ma façon d’avancer part souvent de ce que je ne suis pas satisfait par les faits comme par les explications qu’on me donne.

Aujourd’hui par exemple, quand on me dit que c’est pour la sécurité des gens qui habitent ici qu’on enferme des jeunes qui ont mon âge dans un centre de détention, je ne comprends pas. Alors qu’ils ne sont pas criminels de quoi que ce soit mais se sont fait tirés dessus au Sri Lanka.
Et je vois que ce sont des décisions qui sont prises de manière généralisée, sans lien avec ces cas individuels. Or on est à une époque où il est possible de rentrer dans le détail des situations individuelles. Et où les cadres très fermés de la nation et de la culture ne correspondent plus à des identités qui sont plurielles, en évolution constante. Et parfaitement révélées par le digital. Le big data aujourd’hui nous montre que les listes Spotify et les achats sur Amazon rapprochent plus certains citadins de Singapour et Budapest que ne peuvent l’être 2 voisins à Rome !

On est dans un moment de transition très forte. Mais plutôt que de se faire peur avec le changement – qui peut être effrayant -, je propose qu’on le prenne en compte, et qu’on résolve ensemble les problèmes qui sont là.

C’est dès ton retour que tu commences à avoir Singa en tête ?
Dès le début, j’ai eu envie de travailler avec des « faiseurs ». Des makers.
Donc avec Armed. Et avec les entrepreneurs que j’avais rencontrés, qui s’avèraient être des réfugiés. Australiens, marocains, français.
Il y avait aussi l’idée de créer un site internet pour leur donner de la visibilité.

On voulait mettre en avant tous ceux qui étaient en train de créer du lien ou de l’emploi, parce qu’ils étaient totalement ignorés. C’était incroyable de voir qu’on passait totalement à côté de ceux qui créaient de la valeur globale, pour la société, pour le monde ! Là, on est en 2010.

Je reviens en France, et croise Nathanaël (Molle). Alice (Barbe) débarque 6 mois plus tard. Et on mûrit notre projet. Pour rencontrer des jeunes, les Albert Einstein ou Marie Curie de notre époque, l’idée est alors de créer plein d’évènements. Cools. Avec tout ce qui passionne les gens : la danse, le jeu, le rire, le sport, le foot.
En parallèle, on crée dans les universités un programme d’apprentissage linguistique. Car on s’était rendu compte qu’il y avait beaucoup de demandeurs d’asile souhaitant apprendre le français. Mais pas de manière académique, dans un cours ; plutôt en discutant avec des français. On a donc créé des binômes pour échanger, parler, rester en lien.

Et d’être ainsi connectés avec tous ces gens qui parlaient ensemble, dans les différentes universités, nous a permis d’identifier de nouveaux projets ; et de construire au fur et à mesure.

A ce moment-là de l’aventure Singa, vous êtes ?
3 personnes, à fond. Nathanaël, pote de l’école et moi; puis 6 mois ou 1 an plus tard, Alice.
On se retrouve donc 3 à plein temps, bénévoles. Et on y va ! On commence à se faire connaître par des institutions, les Nations Unies, par d’autres associations. Et les choses ont pris très rapidement en fait.

Comment tu expliques cette espèce de fulgurance ? Vous aviez trouvé le mot-clé qui éveillait les consciences ?
L’idée est simple : se rencontrer sur un pied d’égalité.
Or il y a 7 ans, les gens ne se rencontraient pas sur un pied d’égalité. Toute relation entre un nouvel arrivant réfugié - ou migrant - et un « local » était, est toujours verticale : un bénévole aide un pauvre bénéficiaire. Un professionnel accompagne une victime.
C’est tout le temps de la relation verticale.

Donc notre idée a été de mettre les gens sur un pied d’égalité.
Simple mais ultra disruptif. Parce que tout a été consolidé pendant des décennies sur le contrôle sécuritaire – vérification de tous ces gens qui arrivent chez nous-, ou sur l’aide de « ces pauvres gens ».

Et nous, on arrive en posant la question : comment cela se fait qu’on n’arrive pas à se croiser, à se parler ; à se marrer ensemble ; à faire tous les trucs qu’on aime ; à profiter de cette diversité qui se retrouve dans les 2 côtés ? Quelqu’un qui adore le football, qu’il soit afghan, syrien ou congolais : c’est sûr qu’il va trouver quelqu’un qui adore le football en France !

Et c’est comme cela qu’on a eu 5 personnes au début, puis 15, 50, 100.
Le message s’est transmis ultra rapidement. Car tous les réfugiés, quand ils viennent chez Singa pour la 1ère fois, sont traités comme une personne, pas comme un statut juridique ou un numéro.
Et à la fin de la 1ère année, on devait avoir 200 ou 300 personnes, du côté des personnes arrivant de l’étranger comme du côté des locaux, de français.

Une étude révèle que 30% de français disent vouloir agir pour les réfugiés. Mais même s’il n’y a 15% de la population française, on parle quand même de plusieurs millions de gens ! Qui ne savent pas par où démarrer. Donc on a ouvert une porte. Et proposé de se rencontrer les uns et les autres.
Ce qui a fait que notre communauté a vite essaimé, sur le territoire français, puis à Rabat, au Québec, en Allemagne, en Belgique !

Comment décris-tu la palette d’interventions Singa ?
En 1er lieu, c’est une posture. Que je ne retrouve nulle part ailleurs, à quelques exceptions près à Amsterdam et à Londres. Celle de ne pas considérer que tu es meilleur que les autres.
C’est très difficile à changer. Déjà, on retrouve dans les métiers de l’humanitaire et du social des personnes hautement qualifiées ; ce qui ne favorise pas nécessairement une relation de pair-a-pair. Beaucoup sont aussi issus des grandes écoles, où il leur a été dit qu’ils étaient les meilleurs.
N’étant pas aussi qualifié au démarrage, j’ai facilement pu rentrer dans une relation d’alter ego. Nathanaël et moi, nous avons en effet fait une école peu connue. Et on s’est toujours dit qu’on avait beaucoup de choses à apprendre des autres.
On a même plutôt utilisé Singa pour appendre des trucs nous-mêmes !

Et la 2ème chose, on a mis en place une méthode pédagogique de partage constant de ce qu’on apprenait. Du coup, quand les gens rentraient chez nous, ils avaient de la formation sur tout ce que nous avions appris. Une fois formés, on leur disait : « Maintenant, à vous, à toi de jouer. On ne sait rien de plus que toi, que vous ! Tu t’y connais en capoeira ? Tu t’y connais en logement ou en entreprenariat ? C’est toi, c’est vous qui allez bâtir les projets qui vont changer notre société, pas nous. »
Singa en soi ne fait rien. N’a pas une expertise, au démarrage, même si on a fini par développer des métiers experts sur le long terme. Mais au départ, on a vraiment juste dit aux gens : « C’est à vous de le faire. Parce que vous êtes les experts. »
Et on a donné de la visibilité à tout cela. En communiquant. En pointant sur les belles histoires. En leur proposant de s’en emparer.

Est-ce que le résumé te va : posture d’humilité, partant du principe que l’autre a autant ou plus de choses à t’amener que toi + partage de bonnes pratiques, d’envies, de coups de cœur ?
Je pense que c’est cela la réussite du départ : posture, partage.

On a vu qu’on ne pouvait pas juste apprendre le français à des gens, mais que ceux-ci pouvaient aussi nous apprendre l’arabe, le souahéli ou le persan. C’est un monde des possibilités qui s’est ouvert à nous !

Quand on parle de l’expression « toute la misère du monde », en fait c’est du regard qu’il s’agit. On généralise un truc, en disant : « là-bas, c’est la misère du monde ; et nous on va les aider ». Mais quand on regarde tout les trésors que chacun peut amener…
Ces gens qui viennent de l’extérieur, ce n’est pas « la misère », mais plutôt chacun son parcours, chacun son niveau d’éducation, son niveau d’ambition, etc.
Et là, on commence à rentrer dans des choses beaucoup plus intéressantes, où il est possible de s’engager. La personne qui est en face, d’où vient-elle ? Elle vient d’un autre pays : déjà, cela m’intéresse de connaître son pays. Elle parle une autre langue. Elle a travaillé dans un autre domaine, ou dans le même domaine que moi mais dans un autre endroit, donc c’est intéressant.
Elle a traversé 15 000 km : ouah ! Moi je n’ai jamais traversé 15 000 km ! Comment tu as fait ? Etc. etc.

J’ai l’impression qu’on a ouvert un champ, et créé un cadre dans lequel les gens pouvaient se rencontrer.

Ce cadre permet des rencontres mais aussi des projets. Des logements. Des emplois. Et plus encore ! Tu peux raconter ?
Pour les individus – qu’ils soient nouveaux arrivants, réfugiés et migrants, ou des locaux nationaux résidents – on offre la possibilité de se rencontrer, de partager, et de faire ensemble plein de choses en commun. Ils peuvent ainsi soit créer des ateliers CV, de chant, de Yoga, et tout ce qu’ils veulent, au service du bien-être ou de la connaissance. Ils peuvent aussi trouver un logement (cf notre programme CALM).

Les entrepreneurs bénéficient d’un programme d’incubation où ils peuvent avoir pendant 6 mois un bureau, des mentors, des formations, l’accès à des investisseurs, afin de lancer des entreprises qui vont créer de l’activité et de l’emploi.

Et on a aussi créé des chemins pour les organisations - publiques, privées ou associations. On leur propose d’abord de donner de la visibilité au sein de notre réseau. Par exemple, on fait la connexion entre LinkedIn, qui a 12 mentors pour la recherche d’emploi, et 12 personnes de la communautés cherchant un emploi. C’est gagnant-gagnant. On leur propose aussi un travail de formation et de conseil pour qu’elles progressent au niveau interculturel : création de liens entre des personnes qui viennent de différentes nationalités, de différentes cultures.
Et on les forme à ce qui est du « design inclusif ». Cela peut être de se servir d’une situation extrême ou d’un cas très contraignant pour améliorer l’accessibilité de leur produit.

Par exemple : une société de téléphonie, aujourd’hui, n’est pas accessible aux arrivants. Qui souvent se retrouvent à payer très cher des cartes prépayées.
On va faire tester un parcours d’inscription pour obtenir un abonnement par une senior, une personne peu à l’aise avec les ordinateurs et ne parlant que pachtou, etc. Et observer comment cette personne serait capable de s’inscrire au service. Si on arrive à créer un chemin pour que cette personne y arrive – nettement plus intéressant pour elle de payer 20 € que les 60€ de la carte prépayée -, l’opérateur accède aussi à tout un marché!

Dans notre communauté, nous sommes face à des gens qui ont fait preuve de tant de résilience !
Qui se sont servis de ce qu’on appelle la « frugalité » pour réussir avec très peu, dans des situations difficiles. Et de la « sérendipité », qui est de trouver quelque chose « comme par hasard », face à l’inattendu. Les situations difficiles et inattendues deviennent ainsi des expériences et des opportunités d’innovation pour les grandes entreprises.

Si on revient sur le choix des mots… migrants, réfugiés, demandeurs d’asiles : quelle est ta vision de ce que disent ces mots ?
On est enfermés derrière des carcans qui ont été dessinés par les états nations.
Ce que je vois, c’est qu’il y a des gens qui bougent sur la terre ; ils bougent pour des raisons qui sont complexes, difficiles à ranger dans une case comme « ils ont été forcés pour le faire » ; ou « ils ont fait cela parce qu’ils souhaitaient un meilleur avenir économique » ; voire « ils ont dû partir à cause d’un changement environnemental ». A chaque fois, c’est un calcul individuel extrêmement intime.
Tous les gens qui bougent sont des acteurs : ce sont eux qui décident, à un moment donné, de partir. Et ils le font en évaluant de manière très personnelle le taux de réussite qu’ils peuvent avoir en allant quelque part ; le risque qu’ils ont à rester. Les mots de réfugiés, de demandeurs d’asile, etc., ne définissent absolument pas la personnalité comme l’histoire de quelqu’un.

On a créé un droit qui est extrêmement rigide, qui ne permet pas vraiment d’appréhender la complexité et me semble protéger très peu de personnes.
Ce droit a vraiment besoin d’être redessiné.

Mais surtout, je suis très énervé par les conversations dichotomiques du type « Est-ce que les arrivants sont bienvenus ou pas ? » !
La migration est inhérente à l’humanité. C’est même dans notre ADN. Cela ne devrait pas, ne peut être une question de rentabilité que de migrer… Un migrant serait « rentable » ?! Mais dans ce cas, il faut tout rentabiliser ! Cela n’a pas vraiment de sens !
Je prends plutôt ces mouvements de populations comme un paramètre de la réalité, qui va causer du changement, de l’incertitude, et sans doute des problèmes. Et je m’y attelle en essayant de résoudre ces problèmes en commun. C’est ce qu’on appelle l’inclusion, un peu différent de l’intégration.

La chose tangible, c’est qu’il y a des gens qui n’ont pas bougé et d’autres qui ont bougé. Et que, là où arrivent ces derniers, il y a une zone de rencontre ou d’impact à traiter. C’est ce sur quoi je me concentre. Le mouvement.

Tu as fait récemment un TEDx à Sciences Po, où tu arrivais en marche arrière. Tu y parlais notamment de courir en arrière pour solliciter les muscles de l’humanité…
Sourire
L’image que j’ai là aujourd’hui est plutôt celle de l’eau.
On a besoin d’avoir une approche plus liquide de nos sociétés.

Celles-ci sont aujourd’hui conçues de manière très rigide, partageant les ressources avec les gens qui sont là. Sans prendre en compte que les gens qui arrivent de l’extérieur peuvent être ressources eux-mêmes en fait !
Ressources humaines déjà.
Ressources culturelles. Ressources intellectuelles.
De commencer à penser, à regarder les choses comme cela, c’est déjà une approche liquide.
D’imaginer que la société se gonfle d’une manière liquide à chaque fois qu’une goutte s’y ajoute, plutôt que de parler d’une part de cake à partager, à diviser… là aussi, c’est une approche liquide. On a besoin de travailler sur ces images.

Autour de la migration, on a aussi quelque chose de très rigide qui a été imposé dans le débat par les extrêmes droites dans beaucoup de sociétés, et qui est la notion de racines.
Comme si le fait d’avoir été là auparavant fait que l’on est plus ancré dans le sol ; et que du coup, l’on y a une plus grande légitimité. Et qu’avant, c’était mieux ; tout ce qui en découle après n’étant que la résultante.

Mais cette image est dangereuse ! « Avant » … les femmes n’avaient pas le droit de vote ; les grecs n’étaient pas tous considérés comme des humains, etc. Tout ce qui précède n’était pas mieux, même s’il est possible de s’en inspirer, ou de le conserver suivant les cas. L’idée c’est surtout de garder un sentiment d’appartenance.

J’aime bien l’image de Maurizio Bettini dans son livre « Contre les racines ». Il y évoque l’image du fleuve, analogie avec les sociétés. Fleuve qui coule dans une direction. De petites rivières viennent s'y jeter, accroissant son volume ; mais elles ne peuvent le faire changer de direction radicalement… J’aime bien !

On a l’impression d’une belle aventure, d’indicateurs au vert ; est-ce qu’il y a cependant un point d’alerte ?
Oui, une angoisse : celle d’arriver à trouver l’équilibre. Le bien-être.
Même si on n’arrête pas de s’organiser pour partager le projet, pour que d’autres s’en emparent, en fait on est quand même dans des sociétés qui demandent beaucoup au corps et à l’esprit.

J’essaye de me préserver au maximum, mais je n’ai pas encore trouvé la clé. C’est encore non-stop. Et je suis devenu papa en plein milieu de l’aventure entrepreneuriale… c’est encore un truc ! rires . Un 2ème job à plein temps !

Ce qui est sûr, c’est que j’adore ce que je fais !
J’ai eu beaucoup de mal à m’approprier le savoir. Les seuls moments où j’ai réussi à avoir le sentiment d’avoir vraiment appris des choses, c’est quand j’étais en autodidacte, et que je me suis moi procuré des livres que j’aimais. Ou à travers des rencontres.
Le temps qu’on passe…
C’est le temps qu’on passe avec les gens qui change tout !

A l'heure où je finis la mise en mots de cette rencontre, je me prends à rêver...
Et si cette simplicité, cette humilité et cet angle que celui de la rencontre ne pouvaient pas faire plus de petits encore ? Sur d'autres sujets; d'autres urgences : il ne nous en manque pas!
Merci Guillaume ! Merci à toi et tes comparses, pour ce qui est source de beaucoup d'inspiration!

 

Carole Babin-Chevaye,
d’après les propos recueillis auprès de Guillaume Capelle le 3 octobre 2018.

Guillaume Capelle