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Vincent Houba, au pays des architectures invisibles et relationnelles

Et son chemin d'évidence : il est urgent d'aimer!

Quand on démarre un échange avec Vincent Houba, fils d’agriculteur, belge d’origine, ingénieur-architecte depuis 1984, mais aussi psycho-analyste, enseignant en communication non violente, médiateur, conférencier, grand amateur des mots, relié à la nature comme aux cathédrales…
le voyage se révèle vite plein de surprises !

C’est à Paris que je le rencontrai ou l’écoutai, sur des sujets divers. Même si la nature, omniprésente dans sa vie, et reliance nécessaire, s’invita généralement assez vite dans la conversation.

« Les arbres m’ont réellement sauvé la vie – m’a-t-il ainsi dit. Jusqu’au jour où, à 35 ans, je me suis rendu compte que j’allais toujours en forêt parce que c’était des êtres vivants qui ne me jugeaient pas et n’attendaient rien de moi. Je me suis dit : Eh attends, cela serait bien aussi avec des humains ! » Rires.

Le concept d’Architectures Invisibles avec lequel il travaille m’a évidemment pris au vol ; concept pour moi tout autant flou qu’évident ; reliant en une seule expression tant de ces obstacles entre humains, ou de ces liens ou vides qui remplissent notre quotidien sans que n’y soient consacrés la moindre ligne et si peu d’attentions.

On a ainsi parlé d’inconscient – collectif ;
de « bio-logie, logique du vivant » ;
de structure – en ordre ou en désordre ;
de connaissance de soi et de liberté.

Merci de cet échange Vincent ! De ces mots éclairants. De ce voyage et de ces passerelles entre cathédrales de pierres et cathédrales humaines ! #C’estParti !

En 1er lieu, tu parles d’architectures invisibles : tu peux préciser ?

Il y a d’abord les architectures invisibles dans l’architecture. Dans un bâtiment, il y a tout ce qu’on voit et tout ce que l’on ne voit pas : les vides, les espaces, les forces et tellement de composants – visibles et invisibles - qui interviennent.
Puis il y a l’esprit du lieu, l’énergie du lieu, qui peut être plus ou moins forte.
Il y a aussi les architectures humaines. Et les architectures relationnelles, générées souvent à notre insu par notre inconscient.

On est en effet bien plus qu’un corps physique. C’est ce que j’essaye de faire expérimenter et appréhender par les personnes qui me suivent. Cette connaissance de soi sur un plan subtil. Et je dirais même cette évidence de soi !

Ce qui m’intéresse, c’est d’essayer de définir et d’expérimenter au mieux ce qu’est un être humain ; l’équilibre entre la structure – l’incarnation/corps physique – et l’énergie de l’être ; ce qui fait un être incarné. Pour l’aider à réaliser son plein potentiel et offrir pleinement au monde ce qu'il est venu lui apporter.

Quel lien fais-tu entre cathédrales et cathédrales humaines ?
On a construit les cathédrales dans le temps.
Dans des lieux où il y avait une énergie particulière. Ce n’était pas juste un amas de pierres : il y avait beaucoup de choses qui se passaient là-dedans, mais qui étaient tenues secrètes. Il faut aujourd'hui réactiver l'énergie de ces lieux. Pour venir y activer nos propres cathédrales énergétiques humaines, afin de pouvoir être nous-mêmes ces antennes aujourd'hui.

Il y a autant à faire sur tous ces lieux énergétiques qui nous ont été transmis, qu’à réénergétiser ceux qui se sont éteints sur la terre. Tels de véritables points d’acupuncture à travers la planète.

Je reviens de Rastenberg, chez Christiane Singer. Son mari - Georg von Thurn-Valsassina - est architecte ; il a fait de l’architecture sacrée, construisait en géomancie, en géométrie sacrée.
On a en projet de faire des expérimentations, en situant sur des endroits précis des femmes et des hommes en méditation, avec certains processus pour faire monter leurs taux vibratoires.
Nous souhaitons ainsi vérifier et mesurer si d'autres lieux, que nous mettrons en connexion, peuvent bénéficier de cela, et résonner ; qu’ils puissent en activer d’autres, et ainsi de suite. On pourrait ainsi créer une trame sur l’Europe, voire même sur la planète, à partir de lieux énergétiques existants qui activeraient un taux vibratoire sur la surface de la terre par effet de résonnance. Au service de notre propre élévation et de celle de notre espèce.
Plus nous travaillerons à monter notre taux vibratoire, plus la conscience collective pourra s'élever vers de nouveaux plans de conscience et d'action.

Si tous les projets en cours, en termes d’entreprenariat social et solidaire sont magnifiques et nécessaires, il est aussi urgent de travailler sur un autre plan. Un plan subtil, invisible.

Comment arrives-tu à décliner ce concept d’architectures invisibles dans le monde de l’entreprise, si pragmatique, en demande d’efficacité et de résultats ?
Il y a eu plusieurs étapes. Formateur en Communication Non Violente (CNV), je suis entré dans le monde de l’entreprise par cette porte-là. Que j’ai appelé « communication relationnelle », plus adaptée au vocabulaire de l’entreprise.

Je fais ainsi ressentir tout ce qui se passe dans la relation. Afin de faire prendre conscience de ce que cela crée dans l’entreprise. Et je les amène doucement vers l’importance de s’occuper de soi.
Car quand on ne s’occupe pas de soi, c’est-à-dire qu’on ne s’occupe pas de ses propres besoins, cela veut dire qu’on se trimballe plein de frustrations ! On est alors véritablement une femme, un homme, dangereux, puisque tout le monde peut en réveiller les frustrations à son insu. Et cela, c’est une véritable responsabilité sociale.

J’arrive dans l’entreprise, ne sachant parfois pas du tout ce que je vais faire dans un 1er temps !
Puis je laisse venir mes intuitions, je les explore. Je capte ainsi parfois des choses qui n’ont rien à voir avec le sujet du départ. Et je vais progressivement décoder les architectures invisibles.
Et comme je vis de plus en plus l’évidence qu’on est ici pour aimer, et seulement pour cela, je me suis mis à parler en entreprise d’amour, de cœur, de raison d'ETRE, de chaleur humaine, de bienveillance. 

Bref, d'essentiel !

Tu parles aussi beaucoup de relation. Plutôt que de liens...
J’entends en effet souvent dire : « il faut resserrer nos liens ». Mais non ! Le lien c’est aliénant. Il faut sortir du lien ! Dans le lien on se tient, on se prend, on se tire.
Dans la relation, je n’ai pas le pouvoir sur l’autre. J’ai juste le bout de la relation ; j’ai donc un pouvoir sur la relation mais pas sur l’autre.
Le lien, c’est ce qui lie.
La relation c’est le rapport à.

Et c’est ce qui aurait dû s’installer dans l’enfance, si tout avait été dans l’ordre au départ ; une relation sur la base d’un accueil et d’un amour inconditionnels en arrivant sur terre. Sans ce fondement relationnel de départ, l’enfant cherche à s’adapter en permanence pour trouver sa place. A l’inverse, le fait d’avoir face à soi des gens bien ancrés dans leur vie permet de se poser, de se situer, et de commencer à occuper la sienne.

Mais il y a des gens qui n’ont pas fait de travail sur eux. Qui sont encore en chantier, voire sur des sables mouvants… Quand ils deviennent adultes, ils ne sont pas conscients que si leur corps physique est devenu adulte, à l'intérieur, leur corps affectif et relationnel s'est arrêté de grandir pour consacrer son énergie à la survie. Soit en soumission, soit en rébellion.
Cela crée des postures très énergivores. Une quantité d'énergie qui est perdue plutôt que d'être utilisée à créer et s'amuser dans le collectif, sur toute sorte de projets.

Enfin, sans relation, il n’y a pas de conscience.
Si nous n’avons pas un miroir, ou un rapport à quelque chose… nous sommes flous. Nous ne sommes pas ‘confrontés’. La relation est indispensable à la Vie.

Est-ce qu’on a tous besoin de la relation ? D’après toi, seuls, nous serions « flous » ; non fondés ?
Même ceux qui semblent s’être façonné tous seuls ne l’ont pas fait seuls. Il y a eu quelque chose dans la relation. Pas nécessairement dans la communication, c’est là où il faut faire le distinguo.
Les gens qui semblent fondés ont eu la chance d’avoir soit des parents qui s’étaient eux-mêmes fondés, soit d’avoir une capacité de résilience. Ce qui fait partie du mystère de la vie.

L’enfant part avec son plein potentiel. Pour survivre, il met progressivement certaines facettes sur pause et en surdéveloppe d’autres afin de s’adapter à son environnement.
Mais ce qui lui permet de survivre à un moment donné peut devenir prison, et l’empêcher de vivre plus tard. Et voilà que surviennent des manques de confiance en soi, des crises d’envie de vivre autre chose, des compensations, des dépressions… qui sont autant de signes.
La tentation est de s’occuper de ces symptômes. Comme si l’on était au volant d’une voiture, la jauge à essence clignotant, et que nous nous occupions du témoin lumineux !

Si nous nous occupons du symptôme, nous n’arrivons à rien. L’émotionnel n’a pas d’intérêt en soi, c’est un panneau indicateur. Mais ce n’est qu’un panneau indicateur, qui indique quelque chose qui se passe au niveau plus profond.

La conscience de ce qui se joue est indispensable pour la transformation. C'est là que nous avons besoin de la relation aussi, pour aller creuser plus profondément et découvrir ce qui se passe derrière le symptôme.

Quel lien fais-tu, si tu en fais un, entre ce qui te semble évident d’aujourd’hui et le terrain de ton enfance ?
Tout ce qui est de l’ordre d’une évidence absolue pour moi aujourd’hui vient de choses que je retrouve dès l’enfance. Qui étaient déjà là. Mais s’étaient refermées parce qu’il fallait survivre dans le contexte, donner raison aux adultes puisque, enfant, je n’étais pas en capacité de faire ma vie tout seul.
Mais tout était là…
Ce petit garçon qui partait seul des journées entières dans la nature.
Parlait avec des nuages, avec des brins d’herbes.
Se mettait à 4 pattes pour regarder à l’envers et voir les choses d’un autre endroit, sous un autre angle.
Cette plongée dans l’intériorité était déjà là. Mais il m’a fallu du temps pour revenir à la maison.

Puis il y eut une étape importante, déterminante : celle de tout perdre - métier, couple, pays, …
Ce fut une grande révélation : "quand tout s’effondre, je demeure".
Je me souviens d’un jour où j’étais assis, dévasté. Et j’ai « senti » que malgré l’effondrement, je demeurais. Avec cette évidence : il y a un être qui est inaltérable.

Ce n’est pas pour cela que c’est plus facile à vivre et que je peux tout traverser.
Mais cela a été une bascule. Comme un changement de niveau de conscience qui m’a donné une sécurité supplémentaire. Qui s’est installée à l’intérieur, mais avait été préparée pendant des années dans le travail relationnel qui avait déjà été fait.

C’est là que me sont venues les architectures invisibles.
Pour y faire ce que je sais maintenant être mon travail : la pacification et la résolution par le cœur.
Et par la parole.

Faire des cercles où chacun a son temps d’expression.
Créer des espaces sacrés où chacun peut s’exprimer, entendre avec son cœur, reconnaître l’autre pleinement, être vu tel qu’il est.

On est actuellement dans une phase de vie où les scientifiques commencent à alerter à voix haute sur l’état de la planète, mais où l’on n’arrive pas à voir comment tourner le volant. Toi là-dedans, comment te situes-tu ?
Je travaille sur mon incohérence.
Tant qu’on est incarné, on sera dans l’incohérence. A partir du moment où l’on est incarné, notre corps prend de la place ; c’est un impact.
Par contre, notre impact doit se limiter à l'incarnation de notre ETRE et non pas prendre toute la place que prend notre personnage de survie. Celui qui a besoin d’artifices et de valorisation pour exister.

Il y a une image que j’utilise souvent, c’est celle de Mère Térésa.
Cette femme, pour moi, était dans l’alignement de son être, et a fait des choses magnifiques.
L’ont rejoint des gens qui étaient dans le même alignement.
Mais l’ont aussi rejoint des gens qui sont venus s’occuper des « petits malheureux ». Ce qui leur a donné une place honorable et vénérée dans la société judéo-chrétienne.

Et si je fais ainsi les choses, « parce que cela me donne une place et que cela répare mon histoire », tout en le faisant, je contribue à alimenter ce monde tel qu'il est. Et si je n’ai plus de « petits malheureux », je perds ma place. J'ai donc besoin de ce que je dis vouloir combattre, sinon je perds cette place qui m'est donnée par l'extérieur et me sécurise. Ce qui n’est pas durable.
Ce qui est durable c'est de construire, dans la relation et grâce à la relation, une sécurité intérieure fondée, qui va me permettre d'occuper cette place qui est la mienne en toute humilité.

D’où l’objectif de mettre de la conscience : « Pourquoi je veux faire cela ? Quelle est mon intention ? Cela dit quoi de moi ? ». Puis de nettoyer, de pacifier.
Dans sa propre vie. Sur son propre matériau.
Pour moi, c’est cela la vraie écologie.

Donald Walsh dit : "l'important n'est pas ce que tu fais mais QUI tu ES quand tu le fais!"

Il y a des mots qui ressortent régulièrement dans notre échange. Comme…
#Liberté

Pour pouvoir être libre, il faut bien se connaître. Avoir vu ses chaînes. Libéré et pacifié son histoire.
De là, on est libre d’être, conscient de ses limites.
Parce que une fois que j’accepte mon « rétrécissement » dans cette incarnation, alors je suis complètement là. Dans une pleine puissance et dans mon plein potentiel. Non plus dans une toute-puissance infantile.

J’ai longtemps travaillé sur moi dans l’espoir de devenir un autre être. Et il a fallu que j’accepte que je n’aie pas accès à cela ! Et ça c’est un long chemin d’acceptation.
C’est ce que j’en fais que je peux changer. Et là commence la liberté.

#Christiane Singer
Rencontre fondatrice. C’est la femme qui a réveillé la ferveur en moi ; j’étais endormi.
1ère rencontre avec Christiane, à la Fnac. J’étais dans une crise de couple. Je tombe sur « Eloge du mariage, de l’engagement, et autres folies ».
Je me dis « Mais qui est cette folle qui écrit l’éloge du mariage ? » ! Et j’ai acheté le livre par défi.
Il m’a bouleversé.
J’ai voulu la rencontrer, mais le stage qu’elle organisait non loin était complet. Alors quelqu’un me dit « Va chez elle en Autriche » - elle y faisait aussi ses stages là-bas. Chez elle.
J’y suis allé. Retourné. Retourné. On a correspondu ensemble. J’y suis allé avec mes enfants en vacances. Cela a duré 4/5 ans. C’étaient les dernières années de sa vie.
En pensant à elle, je dirais : ferveur. Amour. Lumière. Eros. Elle est d’une telle puissance.

#Transmutation
On parle beaucoup de transformation. Mais quand je transforme quelque chose, cela n’a pas changé sur le fond en fait. Cela a changé de forme, mais l’énergie est toujours la même ; j’ai envie de dire que les atomes sont toujours là.
La transmutation, cela passe à un autre état. Ce n’est pas la forme qui change, c’est l’état qui change.

Par exemple, quand on fait une analyse, on a de la connaissance de soi. Mais on n’a encore rien transformé. La connaissance de soi est indispensable, pour connaître les différents éléments, se pacifier ; elle n’est pas suffisante. Parce qu’après, il faut passer à la transmutation de l’histoire. Pouvoir changer de registre. Tenter de faire en sorte que cela devienne une bénédiction et non plus une histoire lourde ou dramatique. Accepter que notre enfance pourrait être l'initiation dont on a eu besoin pour faire ce que nous sommes venus faire sur terre aujourd’hui.

Pour transmuter il faut plonger à bras le corps au plus profond de soi et non pas se limiter à se pencher sur son histoire sans y descendre. Une rencontre extrême avec soi. Un travail avec l’énergie.

Par exemple, si je rencontre une densité de colère émotionnelle, c’est de l’énergie. Je vais aller voir cette énergie, regarder ce qu’elle me dit de moi, et ce que l’autre vient me montrer par les frustrations ou colères que son comportement me fait vivre. Regarder comment je fais pour m’occuper de ce qui dépend de moi - plutôt que de m’occuper de l’autre, de ce qu’il fait et qui réveille mes peurs ou problèmes, et me fait perdre des quantités importantes d’énergie. Bref, avoir la conscience de ce qui se joue pour arrêter d’accuser l’autre de mon problème.

On parle ici de plongeon dans l’état.
C’est ce que j’aime faire avec les personnes que j’accompagne. Leur permettre qu’elles ne restent plus à subir leur histoire mais la transforment en une bénédiction. C’est en reconnectant avec cette pure énergie originelle que l'on va pouvoir entreprendre des actions durables puisque connectées au vivant - et non plus au survivant.
Cela demande du courage. De l’audace. De l’humilité.
Ou d’être le dos au mur. De toucher le fond...

On a voyagé dans des contrées proches, mais pas si simples à atteindre, en chacun d’entre nous ; d’autres, étrangères à soi, intervenant dans ces architectures invisibles.

Quel serait le mot de la fin de notre périple ?
Qu’il est urgent d’aimer, parce que c’est la seule chose que nous sommes venus faire !

J’ai aussi envie d’évoquer la force nourrissante de la nature.

Et ce qui est une grande source d’inspiration pour moi aujourd’hui, le vide. Le rien. Je n’arrête pas d’avoir une petite voix qui me dit « Encore moins. Encore moins ». C’est ma grande source d’inspiration pour le moment. La vacuité.
Souvent, on imagine que le rien… c’est vide. Mais non, c’est de l’espace.
Et quand tu ouvres une clairière, la vie s’invite !

Mais mon énergie d’essence, c’est vraiment la relation.
Et mon chemin d’évidence : le cœur.
 

Carole Babin-Chevaye, à partir des propos recueillis le 20 septembre 2018
Photo de Sebastiano Ramirez

Photo de Vincent Houba par Sebastiano Ramirez