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Du Spitzberg au biomimétisme et aux voyages intérieurs : Tarik Chekchak, chef d’expéditions

Zoom sur le biomimétisme... une rencontre entre les humanités, la biologie et l’écologie

Tarik Chekchak c’est d’abord… un sourire. Une présence tranquille. Le regard doux tout autant qu'aiguisé.
Explorateur de toutes les dimensions, ou presque, ce scientifique-si-pédagogue baigne dans la multiculturalité : mère normande, père algérien, une vie en Algérie puis au Canada, en Côte d’Ivoire, comme au Soudan suivant les projets, et un pied au Spitzberg, où il retourne chaque année : l’homme est un observateur averti de notre planète !

Difficile de le faire rentrer dans une étiquette. D’où ma proposition de tenter ce collier de perles fines, avec : explorateur - militant de la cause environnementale - militant scientifique – expert en biologie marine et en approche intégrée des écosystèmes - homme d’action - pédagogue - chef d’expéditions, polaires notamment – ex-membre de l’équipe Cousteau - directeur du pôle Biomimétisme au sein de l’Institut des Futurs souhaitables – compagnon - père d’un petit homme de 3 ans ½ - plus tout ce que j’oublie !

Mais avec tout cela, ne lui parlez pas de ce qui pourrait ressembler à de la modestie. « Je ne suis pas modeste, tout est le fait de rencontres – assène-t ’il ! J’ai fait les bonnes rencontres… Mais c’est vrai qu’il y a une soif ! D’explorer, d’essayer de transcender les limites, d’expliquer et d’apprendre – soit pour moi les 2 faces d’une même médaille. »

Cap sur des explorations intérieures ou lointaines, entre Pôles et déserts ; qui, toutes, parlent d’humanité.

Merci Tarik !!

#DeLaGlaceAuDésert #RêvesRéalisés #VoyagesAuPaysDuVivant

Baroudeur, scientifique, chef d’expédition, conférencier, pédagogue… où es-tu dans tout cela ?

L’exploration est vraiment un mot-clé pour moi.
Je parle d’explorations aussi bien physiques que d’autres, peut-être les plus belles, assis sur une chaise, à méditer. A réfléchir sur ma place dans le monde. Ce sont des formes d’exploration qui peuvent être un peu extrêmes aussi !

J’ai comme cela eu plusieurs vies, qui parfois se croisent… ou pas !
En sortant de mes études, j’ai décidé d’aller tout de suite vers ce que je considérais comme les lignes de front du développement durable. Ceci notamment par rapport aux liens avec la mer. Je suis devenu observateur des pêches, sur des thoniers, dans le Golfe de Guinée, et sur des gros chalus de fond dans la zone des grands bancs de Terre-Neuve. Ce qui signifie d’aller sur un bateau, et de jouer un peu la police à bord – pas forcément très sympa ! En général on n’est pas très bien reçu au début. Néanmoins, j’y ai eu des expériences de mer extraordinaires !

C’est là que j’ai pris conscience d’une véritable « guerre » qui se déroulait sur les bancs de poissons, entre l’Union Européenne et le Canada par exemple. Il y avait toutes sortes de stratégies pour essayer de pêcher dans les zones où il ne fallait pas… Ce furent des moments très difficiles mais aussi des moments vraiment incroyables.

J’avais alors une vie avec vraiment beaucoup de voyages, dans des environnements extrêmement différents, passant du golfe de Guinée à la Côté d’Ivoire, jusqu’aux milieux polaires. Il m’arrivait de rester jusqu’à 3 mois en pleine mer. Et je me rappelle encore l’odeur de la terre, quand on revenait, au Portugal, ou au large du Canada.

Période contrastée, à faire respecter des réglementations qui ne l’étaient pas très clairement ; période où tu t’inscrivis aussi dans de nombreux projets…

J’étais jeune et voulais avoir de l’expérience, avec une forte envie de comprendre. Ma vision était alors très dualiste : c’était bien ou mal ; ils détruisent ou... même si je sentais que ce n’était pas totalement juste.

C’est une période où je fis alors de nombreuses choses, entre mes premières missions polaires avec le Groupe de Recherche en Ecologie Arctique ; la cocréation d’une société avec Jean-Philippe Beau-Douezy, fondateur de l’association Europe Conservation. Nous avons alors formé et accompagné pendant plusieurs années, au sein du cabinet d’étude Ylahé, des observateurs de pêches ; y compris sur des thèmes extrêmement sensibles, comme les captures accidentelles de dauphins.
Je me suis retrouvé aussi à travailler pour le Muséum d’Histoire Naturelle sur les écosystèmes des îles Kerguelen. Et me suis aussi investi dans un projet d’hôpital pour dauphins ! A l’origine, il s’agissait du parc animalier Safari, près de Nantes - Planète Sauvage maintenant. Le projet a bien vu le jour… mais un seul dauphin y fut accueilli ! Les delphinariums et autres parties adverses ont en effet réussi à faire arrêter le projet car nous avions converti un delphinarium à spectacles en hôpital pour mammifères marins échoués, vivants sur les côtes de France.

Puis il y eut aussi la partie de vie Cousteau, qui m’a beaucoup imprégné - même si je n’ai pas rejoint l’équipe à la grande époque (le Commandant Cousteau est mort en 1997, Tarik étant arrivé en 2004). Cousteau, Tazieff, Paul-Emile Victor : j’ai été bercé par tous ces gens-là dans mon enfance. C’était mes héros ! Il y avait aussi Jack London, « Croc-blanc » et autres romans que je dévorais.

Pour l’anecdote, je racontais à Madame Cousteau que lorsque j’étais enfant, quand il y avait beaucoup de documentaires de Cousteau à la télé algérienne, cela signifiait qu’il y avait un problème politique. La musique classique et les documentaires de Cousteau étaient généralement le signal qu’il se passait des choses en coulisse 😊 !

Quand je suis devenu scientifique et qu’il y eut l’opportunité d’entrer dans cette équipe, l’envie a été forte ! Et j’y ai mené des projets passionnants, comme celui qui aboutit, après 10 ans de travail, a la déclaration « Patrimoine marin mondial de l’humanité » d’une large zone marine de la Mer Rouge au Soudan.

Si l’on repart à l’échelle de cette planète où tu as bien bourlingué, qu’est-ce que tu peux nous dire de ces régions du monde où tu as passé tant de temps ?

Les endroits polaires sont vraiment des endroits très attachants, comme tous les milieux dits extrêmes. Cela ramène à une humilité ; automatiquement…
Les grands espaces, la force des éléments, la glace, parfois même le feu et la glace en Antarctique, dans l’ile de la Déception par exemple. Les tempêtes. Les 40ème rugissants, 50ème hurlants entre la Terre de Feu et l’Antarctique…
Tout cela est d’une telle puissance que cela ouvre l’esprit ; ramène à une dimension qui est beaucoup plus modeste, sans écrasement non plus. Cela tient notamment au fait de se sentir en contact avec les éléments. C’est aussi un rapport au tout et au rien qui est assez étonnant.
On n’est rien… mais on est tout aussi.

S’il y a quelques lieux qui sont un peu comme des « chez moi » - même s’il y a toujours des surprises, le Spitzberg en fait partie. Je vais en effet tous les ans, depuis 20 ans, dans cet archipel sous souveraineté norvégienne, proche du Pôle Nord.

Puis l’on passe à d’autres milieux complètement différents, aux déserts chauds. J’ai une bonne familiarité avec le Sahara, dont je connais différentes zones : Sahara algérien, du Niger, du Mali, de la Mauritanie, du Maroc, le Sahara soudanais, jusqu’à la Mer Rouge.

Théodore Monod, océanographe devenu saharien, parlait de navigation dans le désert… faisant le lien entre la mer et les étendues de sable. Tu vis la même chose ?

Absolument.
Très fortement.
Je dirais même que ma première propension à l’exploration intérieure est née dans le Sahara. Ce que j’avais aussi lu avec Frison Roche, Antoine de St Exupéry et « Terre des Hommes » ou d’autres livres.
Mon attirance pour les grandes étendues, les grands cieux, la force des éléments est très forte.

Et le biomimétisme dans tout cela : déclic, un jour, ou pente naturelle issue de tes observations lors des expéditions ?

Un déclic. Clair. Qui fait suite à un moment particulier.

C’était dans l’Est du Spitzberg. Un endroit totalement isolé.
Nous étions alors en plein dans l’été polaire. Avec une lumière extraordinaire comme il en existe pendant le jour permanent de ces zones polaires.
Sur la banquise estivale - très menacée par le changement climatique-, nous avons vécu un moment incroyable avec un ours : il était aussi intéressé par nous que nous l’étions par lui ! De notre petit bateau, nous vivions un sentiment de proximité tout en étant en sécurité. Nous l’avons observé quelque temps…
L’après-midi, nous avons débarqués près d’un glacier, dans un fjord, où la terre rouge racontait une histoire de cet archipel. Moment magnifique. Très loin, si loin de toute civilisation.
Quant au détour d’une crique… je tombe sur des déchets plastiques, 2 cadavres de rennes morts, pris dans un morceau de filet, et des oiseaux marins, également noyés dans le filet.

Ce n’était pas la première fois. Mais là, le contraste entre ce que je venais de vivre et cette vision… si loin de toute ville, m’a vraiment démoralisé.
Toutes ces recommandations sur lesquels je travaillais m’ont semblées si vaines face à l’acidification des océans, à l’augmentation du CO2 dans l’atmosphère, à cette rivière de plastiques et de polluants qui arrivent dans les océans.

Cette même année, il y eut un congrès mondial de l’IUCN ; j’y retrouve Gautier Chapelle, avec qui j’avais déjà travaillé au sujet des dauphins et de l’Antarctique. Qui me parle du biomimétisme qu’il venait juste de découvrir.

C’est là que j’ai eu le déclic.
J’y ai en effet vu la pièce manquante pour monter un peu plus haut en stratégie, travailler avec les designers, les ingénieurs et les chefs d’entreprises pour que l’alternative ne soit pas « on ramasse le plastique », mais bien : « comment faire autre chose, compatible avec les règles de copropriété et de fonctionnement de la planète ».

« Apprendre de 3,8 milliards d’années de Recherche et Développement (R & D) » : je te cite. Cela te semble définir le biomimétisme ?

Oui. Mais ce n’est pas que cela…
L’une de mes principales cibles, ce sont justement les équipes R & D des grands groupes, qui influencent énormément notre façon de consommer – donc ce qui est fabriqué. Ainsi que les designers, les architectes, et de plus en plus aussi, les personnes qui travaillent dans les organisations.

Il faut compléter la phrase. On peut en effet très bien s’inspirer de la nature et continuer à la détruire. Dire que la toxine de tel coquillage vaut plus que de l’or, si l’on reste sur cela, cela veut dire quoi... que l’on va se précipiter dessus encore ? Essayer de l’exploiter ? Et faire disparaître une nouvelle espèce ?
La chute des populations de l’ensemble des espèces animales est catastrophique ! Il y a actuellement sur Terre plus de poulets en batterie que d’oiseaux sauvages !

Si l’on s’inspire de la nature, c’est forcément pour mieux la protéger. Sinon, c’est complètement délirant !

Il y a donc, souvent, confusion entre bio-inspiration et biomimétisme.
Le biomimétisme, c’est un cahier des charges d’éco-conception, de responsabilités sociales et environnementales.
La bio-inspiration, c’est s’inspirer du vivant en général. Mais on peut le faire en mettant des produits toxiques dedans… et business as usual !

Je te cite toujours quand tu dis : « Il y a des prérequis philosophiques avant de s’inspirer de la nature » …

Il y a en effet une intention avant tout. Et l’intention est importante. Elle doit être éclairée par la connaissance et l’éthique : avec un tournevis, on peut construire comme on peut tuer…

Le biomimétisme est un outil au service d’une intention. L’intention ici, c’est la réconciliation entre l’économie, ses technologies et les règles de fonctionnement de notre planète vivante.

Tous les astronautes qui sont partis dans l’espace sont revenus en ayant complètement changé de perspectives par rapport à leur nationalisme de départ, y compris pendant la guerre froide.
Ce n’est pas par hasard !
Il y a vraiment quelque chose au niveau de la perception, de l’éducation, du partage de cette connaissance, de ce ressenti même de l’interdépendance qui doit encore être posé. Et qui est la base sur laquelle on peut ensuite discuter de stratégies possibles. Grâce au biomimétisme ou autre chose…
L’enjeu est philosophique, il porte sur notre mode d’inscription au monde.
Pour moi, le biomimétisme tel que nous le portons au sein de l’Institut des Futurs souhaitables (IFs), est une rencontre entre les humanités, la biologie et l’écologie. Forcément ! Sinon, attention danger.
Que l’on s’inspire de la nature, ok. Mais pourquoi ? Avec quelles intentions ?

Face à un changement de cap qui semble nécessaire en matière d’écologie et de développement, qu’elles te semblent les actions, pistes, voies imaginables ?

C’est un petit peu vexant de se dire qu’après s’être autoproclamé « homo sapiens sapiens », on joue le rôle du météorite – en référence à celui qui a été à l’origine de la disparition des dinosaures ! J’ai quand même un petit peu l’envie de stimuler notre fierté dans la bonne direction, après nous être autoproclamés doublement intelligents !

Je pense aussi qu’il faut arrêter de parler de développement durable et de faire, comme Isabelle Delannoy, amie de l’IFs, qui parle d’économie symbiotique ; ou comme Emmanuel Delannoy, parlant de perma-économie. Il y a tout un courant, dans lequel je m’inscris, qui parle d’économie régénérative.

Plutôt que de concevoir en pensant « on va arrêter de faire mal », qu’on se donne l’objectif de « faire du bien ». Et là, on tombe dans le futur souhaitable !
Avec des questions comme : comment je laisse une trace qui est positive ? Comment je conçois un habitat accueillant pour la biodiversité ? Pas simplement « moins faire mal ». Mais carrément, régénérer. C’est possible !
En permaculture, en agriculture biologique : la biodiversité explose ! C’est peut-être plus challengeant en urbanisme, mais si tu mets cela dans le cahier des charges, je pense que notre intelligence peut être orientée dans la bonne direction.

On a quand même un vrai sujet de vitesse et d’impact pour que ces courants de pensées se propagent… vite.

D’abord, je pars du principe que nous sommes une espèce vivante parmi les espèces vivantes. A nous d’appliquer ce qui s’applique de manière quasi universelle sur la terre : l’eau comme solvant universel pour la chimie, une économie fixatrice de carbone plutôt qu’émettrice. Ce que fait tout le vivant ! Une éponge le fait. Un arbre le fait. Et nous ne serions pas capables d’être fixateurs de carbone plutôt qu’émetteurs ? Tout le vivant fabrique à température à pression ambiante, dans de l’eau, et nous ne serions pas capables de le faire ? Je ne veux pas y croire !

A un moment donné, le fait de tirer ce fil-là, que nous sommes une espèce vivante parmi les espèces vivantes : il y a des conséquences de cette exploration intellectuelle, qui devraient nourrir notre réflexion sur le « Comment on s’inscrit dans le monde ? ».
En tout cas, c’est cela l’intention du biomimétisme.

Mais aussi - et cela fait un moment que l’on porte cela avec l’IFs : nous sommes une espèce à évolution culturelle. Pas simplement biologique. D’autres animaux le sont. Ce qui signifie que les récits importent énormément. Ils nous aident à nous mobiliser – sur l’idée de la nation, pour défendre les droits civiques, défendre le climat avec « l’affaire du siècle », etc.
Les manifestations que l’on voit, pour des raisons sociales ou environnementales, montrent qu’à travers un récit, on est capables de synchroniser nos énergies. Or nous avons réellement besoin de nouveaux récits, qui ne soient pas d’effondrement. Tout en gardant les yeux ouverts sur la réalité des faits.

Il y a une phrase qu’on adore, attribuée à un communiste italien des années 1900 : « le pessimisme de la raison, l’optimisme de la volonté. » Ce n’est pas l’un ou l’autre. C’est l’un et l’autre.

J’ai beaucoup de respect pour la pensée collapsologue, qui peut apporter beaucoup d’éléments au pessimisme de la raison. Mais là où ce discours peut être dangereux, c’est qu’en bâtissant un récit où tout est déjà plié, alors… c’est plié ! Même si la probabilité est très faible, moi personnellement, c’est sur celle du « souhaitable » que je veux mettre mon énergie.

Qu’est-ce qu’il te semble important de transmettre à des jeunes, à des enfants ?

Avant tout, je pense qu’avec des bonnes intentions, on peut créer des tas d’autres problèmes.
Par exemple, regarde ce qu’il s’est passé avec les agro-carburants : on a voulu remplacer une matière issue du pétrole, limitée et produisant des gaz à effet de serre, par des matières bio-sourcées. Mais on crée en même temps des tensions sur l’alimentation sur les terres arables; et des forêts primaires sont parfois détruites au Brésil pour cela ! Et se met en place une compétition entre énergie, alimentation et biodiversité ! Alors que cela partait d’une bonne intention…

A mon avis, la base, c’est de partager, à travers des conférences, des modules d’éducation, de formation, dans les écoles, les écoles d’ingénieur comme dans les primaires, secondaires, etc. J’ai même été dans une prison pour adolescents récemment, grâce à Stéphane Rodot, de l’association Les Tambourslingeurs.

Donner à comprendre l’interdépendance, avec les mots adaptés au contexte.
Comprendre ce que sont les services écosystémiques, les effets en cascade, la complexité…
Nous sommes dans un moment où tout est complexe, interdépendant, processus émergents qu’on ne peut pas forcément anticiper sans comprendre les parties. Il y a une éducation à faire là-dessus, basée sur cette perception de l’interdépendance des choses, sur la compréhension des règles de cohabitation inter-espèces sur notre belle planète.

Il y a beaucoup de travail à faire mais c’est en train de se propager. Et le changement climatique contribue à cela. On commence à se rendre compte de notre interdépendance par la crise.
Par exemple, on ne plus dire « ma » frontière ou « ta » frontière ; il y a quelque chose qui est en train de se dissoudre là dans l’inconscient collectif, justement par la crise. C’est intéressant de voir que la crise est aussi génératrice de cela.

De t’entendre me fais penser au bouddhisme, dans l’inclusion de l’homme dans la nature. Est-ce tu fais un lien entre biomimétisme et spiritualité ?

Voilà maintenant près de 20 ans que j’ai un parcours dans la tradition Dzogchen, enseignement spirituel développé au Tibet - même si je ne me considère pas bouddhiste. C’est une histoire de rencontre et d’amitié qui m’a fait découvrir ces traditions contemplatives.

Ce qui m’intéresse, c’est cette forme de spiritualité qui touche à l’universel. Qui va essayer de comprendre la nature de l’esprit humain, et de mieux percevoir ce dont on parlait tout à l’heure : l’interdépendance, les liens de causalité, les émergences, etc.

Dans la tradition que je suis, on appelle Nangpa ceux qui cherchent la vérité à l’intérieur d’eux-mêmes plutôt qu’à l’extérieur.
Qu’elle soit catholique, musulmane, bouddhiste…
une personne qui est dans une quête intérieure pour clarifier son mental et mieux comprendre les relations avec ce qui semble être l’extérieur est un Nangpa. J’aime bien cette ouverture !

Aujourd’hui, quelles sont tes sources d’enthousiasme : des hommes ? des livres ? des expéditions lointaines ? intérieures ?

Les personnes qui m’ont toujours inspiré sont des femmes et des hommes qui ont su, à travers leur propre cheminement, développer une forme de sagesse, de la compréhension de la dimension vivante et humaine, de notre relation à l’autre, à l’altérité, y compris l’altérité avec le reste du vivant. Une grande aventure !

Suivent des noms de personnes inconnues du public et de personnalités comme Madiba (N. Mandela) « qui a d’abord été un guerrier, et a réussi à transcender les limites de son engagement pour aller vers l’universel », Luther King, Gandhi, le Dalaï Lama, Wangari Muta Maathai.
L’alliance de la sagesse et du militantisme, cela m’impressionne. Beaucoup plus que de rencontrer un-e président-e ou un homme puissant, ce que j’ai eu l’occasion de faire dans le cadre de mon travail chez Cousteau.

Finalement, je finirai sur un « gros » mot… le cœur.
L’ouverture du cœur permet en effet tout ce que l’on vient de dire.
Certains l’appellent l’empathie pour ne pas dire le cœur, mais c’est pareil - donc ce sentiment d’empathie, ce sentiment presque du sacré même. Cela peut être des choses très simples comme de manger quelque chose avec un sentiment de gratitude.

J’aime beaucoup Teilhard de Chardin, qui disait qu’on avait déspiritualisé la matière. Par exemple, on ne voit plus un animal, on voit la production de viande. Chacun, avec ses méthodes, par la philosophie ou par d’autres formes de respect, peut respiritualiser son lien, ses liens, par le cœur ; par l’énergie du cœur. Pas par le dogme ; par l’empathie…

« Il est temps de prendre nos rêves au sérieux et d’en faire une stratégie » !
Autant viser les étoiles pour atteindre la lune. Et l'on verra bien où cela nous mène ! :-O

Véritable expédition immobile, nous avons voyagés du Spitzberg au Soudan – évoquant les Raichaida et cette Abyssinie envoûtante ; la vieille ville Port-Soudan, de corail effondré ; les requins, dont 90% des populations ont disparues ces dernières années ; cette expédition vers Chab Rumi, où le Commandant Cousteau mena cette expérience pionnière, Précontinent II, vivant 1 mois dans un village sous la mer – et qui donna lieu à un film oscarisé à Hollywood ; les tempêtes de Terre-Neuve et tant d’autres moments privilégiés !
Cet enthousiasme fut assombri par les nouvelles du jour : « J’entends ce matin qu’il y a désormais moins de 100 000 girafes sur terre. J’ai un petit garçon de 3 ans ½ ; cela signifie que, peut-être, il ne verra plus les ours blancs, les girafes… Cela me déprime profondément. Et je pense que cela déprime tout le monde, personne ne peut être insensible à une nouvelle pareille ! »

Mais le sourire est bien là quand il me dit plus loin : « C’est sûr que c’est un peu étonnant : mon fils connaît mieux les narvals, les ours blancs et les espèces de phoques que parfois les espèces d’oiseaux qui viennent se poser sur la mangeoire, dans le jardin ! Ceux qui connaissent ma vie lui offrent en effet des livres sur les pôles ! Rires… J’essaye de faire un rééquilibrage en ce moment. »

Pour ces missions dans des lieux lointains si précieux pour notre planète, cet engagement dans une solidarité avec le vivant, cet « optimisme de combat » : merci encore Tarik, de cet échange comme de ce que tu nous amènes ! Carole Babin-Chevaye, d'après des propos recuillis le 6 février 2019.

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