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Changer le monde en 2 heures avec Pierre Chevelle et ses micro-engagements !

Changer le monde en 2 heures! Alors… pressé le mec, ou ultime tentative pour cracker les résistances liées au temps, via la promesse d’impact éclair ?

La 1ère fois que je l’ai vu, Pierre présentait son tome 2 chez Switch Collective. La promesse de son titre « changer le monde en 2 heures » m’a attirée. Diable, le pari était réel, l’homme devait être gonflé ! « Inventeur » d’une vie sur-mesure, Pierre, 27 ans, a déjà écrit 2 tomes de « Changer le monde en 2 heures », et travaille sur le 3ème tome. Il a aussi lancé sa chaîne Youtube cet hiver, et y reçoit des personnes engagées sur le « comment agir à son échelle et tendre vers un mode de vie plus durable ? ».
Conférencier dans les écoles ou dans tout lieu résonnant sur ces thématiques, speaker TEDx, organisateur de weekends Wikipédia au service de l’intérêt général… Pierre Chevelle plante, sème, arrose, propose là où il peut et là où il le sent.

Léger, joyeux, tout autant que grave et authentique, il m’a ouvert la porte de ce chemin professionnel, sans fards ni masques. Confidences que j’ai aimées recueillir et qui faisaient tellement écho en moi ! Voyage au pays d’un jeune colibri. Grand merci Pierre !

Cap sur... des déclics / une école de commerce / une vocation avouée, fondant sous le soleil de la réalité / agir à son échelle / 3 conseils aux potes qui hésiteraient à tout lâcher

En premier lieu, tu fais quoi dans la vie ?

En ce moment, je dis que je suis auteur et youtubeur. J’écris des livres et je fais des vidéos sur "comment on peut tous changer le monde à notre échelle".
Je me vis en fait comme étudiant et professeur à la fois de « comment changer le monde à son échelle ».

Cette façon d’inventer ta vie, d’avancer sans référence, sans route tracée… est-ce qu’il y a eu un modèle qui t’a inspiré cette vie ? Un déclic ?

Je ne considère pas qu’il y ait eu un énorme déclic mais plein de micro-déclics.
Parmi les 1ers, il y a Timothy FERRISS avec « la semaine de 4 heures ». Ou comment travailler moins avec des meilleurs résultats. Et surtout, comment ton job est au service de créer la vie de tes rêves, et pas une prison en attendant le soir, les week-ends, les vacances et la retraite. Un job au service de ton épanouissement personnel.

Mais la 1ère chose, en école de commerce, ça a été de me prendre une énorme claque en arrivant !
De prendre conscience que je ne serais pas heureux dans les métiers qu’on nous proposait, avec cette question angoissante : « mais... qu’est-ce que j’ai envie de faire ? ». Et là, j’ai essayé de rencontrer un maximum de personnes. Ce qui m’a notamment fait prendre conscience qu’il y a plein de gens qui font autre chose que du commerce après une école de commerce !

Donc bonne surprise après la claque ?

Oui. En tout cas, cela m’a autorisé à élargir mon champ de vision.
J’ai commencé ma 1ère année de césure dans un cabinet d'audit, et là, j’étais au fond du trou, sous pression et pas du tout à ma place. Puis, en 2nd stage, j’ai découvert l’entreprenariat social chez Sparknews. Ça n’a pas été un coup le cœur tout de suite. J’aimais beaucoup le secteur et certaines personnes dans le secteur. Mais je n’arrivais pas à trouver un métier qui me fasse vibrer et donc ma place là-dedans.

Dans cette année, le plus gros virage a été de décider de faire une 2ème année de césure. D’assumer que j’avais besoin de temps et de faire le pari que je pourrais trouver des bouts de réponse. Et j’ai envisagé très très sérieusement de devenir prof de philo, de passer l’agreg, et de repartir pour 3 ou 4 ans après avoir fini mon école de commerce. Ça a été un moment très fort de m’autoriser vraiment à avoir ce rêve. Je me souviens très bien d’un soir où j’ai complètement lâché prise ; c’est comme si je m’étais un peu réconcilié avec moi-même en me disant : « c’est vraiment ça que je veux faire. »

Là, tu te donnes le feu vert pour repartir vers une nouvelle aventure, sans lien apparent avec le chemin qui était le tien jusqu’ici, et qui va te demander de travailler comme un dingue ?

C’est ça ! L'entrepreneuriat social, j’avais encore l’impression que c’était un compromis ; que c’était moins pire qu’une grande boîte, mais que ce n’était pas là où j’allais vraiment être à ma place. Je n’avais pas trouvé l’angle d’attaque où j’étais aligné.
Et avec ce projet de prof de philo, du moins l’idée que j’en avais, tout d’un coup, depuis des années, je me ressentais de nouveau aligné. Avec un projet cohérent avec qui j’étais, même si ça allait me demander beaucoup de précarité et des années de travail. Mais il y a une réconciliation avec moi à ce moment-là.

Cette recherche d’alignement que je capte très en profondeur, c’est l’idée de no-compromis ? d’intégrité par rapport à toi ?

A l’époque c’est beaucoup plus la conviction que je ne trouverai jamais un job dans lequel je pourrai être heureux ! Pas du tout une forme de « je vaux mieux que ça », au contraire. En fait, je ne savais pas ce que je voulais. Ce à quoi s’ajoutaient le fait que mes parents avaient mis beaucoup d’argent dans mes études, et que j’avais énormément travaillé en prépa pour avoir cette grande école, avec laquelle, si je repartais faire l’agreg de philo, il y a quand même assez peu de parallèle quoi…
Mais surtout, je ne savais pas ce que je voulais faire à la place ! A la fois je devais convaincre les gens autour de moi, ma famille notamment et mes proches que « ce n’est pas fait pour moi », mais à la fois, je n’avais pas de plan B hyper solide, et dont j’étais convaincu moi-même, à leur présenter.

Le plan B, ça a été de devenir prof de philo ?

Y’a eu une quinzaine de plans B ! rires. C’était un peu par période.

Ton moteur d’action, c’était la recherche de « dans quoi j’ai envie d’aller » ?

Je me disais qu’il fallait que je rencontre des gens, mais je n’étais pas intimement convaincu que j’allais trouver un truc où j’allais m’épanouir. Et je n’arrivais pas à me projeter dans les métiers que je rencontrais, parce que ça ne me correspondait pas. J’avais l’impression qu’en grandissant, je devais me renier. Et avec la philo, je me reconnectais à la prépa que j’ai adorée. Je pense qu’à ce moment-là, j’ai fait sauter un verrou ; parce que je me suis autorisé pleinement à me dire « oui c’est mon rêve et je vais m’en donner les moyens ». Je commençais à rencontrer des profs agrégés, je m’étais inscris à la fac à Paris, je suivais des cours de philo. Et c’est parce que je me suis vraiment mis dans le bain et dans l’engagement, et que psychologiquement, je me suis autorisé, que j’ai pu me rendre compte que ce n’était pas mon rêve en fait ! Mais si je ne m’étais pas autorisé à faire ça, peut-être qu’encore aujourd’hui ou dans 10 ans je me dirais encore « j’ai toujours rêvé d’être prof de philo, pourquoi je l’ai pas fait ? ».

Donc tu plonges, pour te dire finalement… « non, ce n’est pas encore ça » !?

Exactement, retour à la case départ. Mais en fait, ce n’est pas la case départ. Et là, c’est la 1ère fois de ma vie que je n’étais pas en pilote automatique, au moment de commencer ma 2nde année de césure, et de faire un choix pour mon stage. A partir du moment où j’ai pris cette décision de ne pas devenir prof de philo, choisir entre les 2 entreprises qui me proposaient un stage a été une évidence !

Du coup je suis allé faire mon stage chez Ashoka. Et je me suis éclaté comme pas permis ! J’ai compris que c’est dans l’entreprenariat social que je voulais être. Ça m’énervait d’avoir l’impression d’avoir perdu autant de temps à chercher des gens qui faisaient des choses inspirantes alors qu’il y avait cette espèce de caverne d’Ali-Baba de gens qui font des choses et qui se bougent, et que j’avais déjà rencontrés chez Sparknews. Surtout, je me suis dit « il faut qu’on partage ça avec plus de monde ». J’avais envie d’écrire un livre sur cet univers-là, sans savoir du tout sous quel angle.
Et j’ai trouvé cet angle d’attaque du micro-engagement.
J’ai alors fait du crowdfunding, alors que j’étais toujours en stage et que le livre n’était pas du tout écrit. Je devais en être à 15 ou 20%. Et il y a 250 personne qui précommandent 800 exemplaires ! Ça fait bizarre de vendre un truc que t’as pas encore créé !

J’ai pris alors conscience que j’étais tout le temps dans des ateliers, à suivre des conférences, à lire des livres sur le sujet, à rencontrer des gens, à regarder sur Facebook, à creuser des trucs là-dessus, tant c’était vraiment devenu une passion. Je me demandais quand ça allait arrêter en fait. Puis j’ai été pris sur le tour de Ticket For Change pendant l’été qui a suivi la fin de mes études.
Et là, tout semblait simple : j’avais à finir mon mémoire, j’étais chez Ticket For Change, je voulais essayer de diffuser mon bouquin et créer mon job quoi. C’était naturel.

A peine diplômé, au moment de te lancer 'officiellement' dans l'entrepreneuriat autour de ce premier livre, Ashoka - où tu rêvais jusqu'ici de revenir travailler -, te propose un poste. Et tu te rends compte à ce moment-là que ton projet entrepreneurial est encore plus fort que le job de tes rêves. Jubilatoire non ?​

Oui oui, je me vois très bien en parler avec Aymeric Marmorat, l’un des 3 coaches de Ticket For Change, et directeur d’Enactus France. Pour que je finisse par m’avouer à moi-même - alors que c’était évident - que je voulais monter mon projet. Qu’il fallait que j’aille à droite et pas à gauche !

A ce moment-là, on est en septembre 2015 : est-ce qu’il y a quand même des trouilles au ventre sur les aspects matériels par exemple ? ou juste l'évidence de vouloir mener ton projet et créer ton job ?

Oui évidemment il y a des peurs ! La 1ère année a été assez avec des hauts et des bas.
Je sors de l’enthousiasme de Ticket For Change. On est le 4 septembre. Je me lève et… Par où je suis censé commencer ? c’est quoi ? J’ai pas de règles en fait. Déjà, qu’est-ce que c’est mon métier ? Comment je me présente quand on me demande « Et quoi tu fais quoi dans la vie » ? Comment je gère le fait que je sais pas du tout si je vais arriver à en vivre ou pas ? Quel horizon de temps je me donne ? Combien d’argent je suis prêt à perdre les premiers mois ?
Il y a quand même beaucoup la relation à l’argent et au risque en général quand tu vois tes potes qui sont en CDD ou en CDI. Une phase au début qui est un peu délicate à appréhender.

Il y a eu un grand vide en fin d’hiver et printemps 2016. Mais à aucun moment, je n’ai pensé reprendre un job ou quoi que ce soit. C’était évident. Même si, dans cette période, j’étais moins aligné avec moi-même. Et à partir du moment où j’ai commencé à re-rencontrer des projets pour écrire le tome 2, c’était évident de nouveau. Je ne savais pas du tout encore si ma petite communauté de lecteurs allait en vouloir ou pas, mais moi ça m’a fait un bien fou de repartir dans ce processus de création et de comprendre que ce projet-là m’apportait une énergie folle, que j’avais envie de partager. Et pour la faire courte, j’arrive à en vivre depuis la sortie de mon tome 2.

Dans ton histoire, il y a un mot qui n’est pas beaucoup sorti là mais qui me semble faire partie de l’aventure, c’est un besoin d’avoir de l’impact. Est-ce que tu dirais ça ?

Je suis intimement convaincu que mon bonheur passe avant le fait de maximiser mon impact – c’est pas du tout politiquement correct ! Parce que je suis aussi intimement convaincu que les 2 sont extrêmement liés. Que si je m’oublie moi, dans 6 mois il n’y a plus de projet et du coup, je n’ai plus d’impact. Que le fait d’investir dans mon « bonheur », par exemple en faisant du développement personnel, ou en ralentissant un peu quand il y a une période trop chargée, c’est le meilleur moyen d’être aligné. Donc que le message passe mieux. Et qu’alors, je rencontre les bonnes personnes au bon moment, plutôt que de me cramer sur du quantitatif et de perdre en qualité.

On parle en fait d’alignement…

Il y a plusieurs choses effectivement. Déjà, j’ai vu énormément d’entrepreneurs sociaux faire un burn-out. Ensuite, pour reprendre la philosophie des Colibris et que les Incroyables Comestibles reprennent très bien, il y a l’idée de « faire sa part ».
Je n’ai pas envie d’être dans une course à la performance, de cette obligation d’aller toujours plus vite. Je crois énormément, en ayant bossé avec Christian de Boisredon, à laisser les choses mûrir et laisser les bonnes personnes venir vers toi ; planter des graines, ça te reviendra. En fait, que tu aides 1 seule personne ou 100 millions, ce n’est pas tellement la question. C’est de faire ta part selon ce qui est juste selon toi, à ton rythme. En ton âme et conscience.

Et il y a vraiment cette logique de « j’ai tout mon temps » ; je ne suis pas parti pour 6 mois. Je sais que j’ai 40/50 ans devant moi pour faire des choses qui auront un gros impact. Et comme je ne sais pas exactement où je veux aller mais que je le reconnais au fur et à mesure…

Si tu étais en face de potes n’osant pas lâcher leur CDI ou travaillant dans un cadre dans lequel ils ne s’y retrouvent pas, quels seraient tes mots pour les réveiller, les aider, ou les piquer peut-être ?

Le 1er ça serait de ne pas essayer de leur parler mais de leur faire vivre justement un micro-engagement pour que, par eux-mêmes, ils fassent l’expérience qu’autre chose est possible. Je les amène à une expérience, ou à une conférence avec Pierre Rabhi, voir le film « Demain » ou « Une idée folle ». Et c’est carrément ça le but des livres : comment tu peux trouver des expériences les plus simples et faciles d’accès. Que les gens oublient un peu qu’ils ont plein de préjugés sur l’engagement citoyen : que c’est ringard, pas fait pour eux, chronophages, etc. Qu’ils fassent par eux-mêmes des trucs et qu’ils se rendent compte que, non seulement ils sont utiles mais aussi, que l’on se reconnecte avec les choses qui sont importantes, l’amour, la bienveillance, le partage, la solidarité, la connaissance et l’écoute de soi.

Le 2ème, j’aime bien me rappeler qu’on va tous mourir. Parfois les gens trouvent ça morbide ; on est dans une société où on fait bien attention à oublier qu’on est mortels. Mais ça remet tout en perspective ! Si déjà tu fais exactement ce que tu as envie de faire pendant toute ta vie, ce n’est déjà pas mal. Tu vas passer quelques hivers sur cette planète, et dans 3 générations il y a beaucoup de chances pour que personne ne s’en souvienne. Alors si en plus, tu commences à te prendre le chou sur ce que soi-disant la société voudrait…

Et le 3ème, c’est que les risques ne sont pas si grands une fois qu’on les a pris. Tant que tu es sur ton autoroute toute tracée, que cela soit du salariat ou autre chose, tu as l’impression que prendre la petite route de campagne est hyper dangereux. Qu’il va y avoir des violeurs, des loups garous, des je ne sais pas quoi. Et en fait, une fois que tu prends ton petit chemin, ce n’est pas si terrible ! Alors que quand tu es sur l’autoroute tu as le risque énorme de l’ennui ; et que cela ne te corresponde pas, parce qu’il y a très peu de chances pour que l’autoroute, cela soit exactement le chemin qui te corresponde. Ça peut être le cas, mais statistiquement, il y a quand même très peu de chance que tout le monde ait à passer par là…

Entre sentiments et réactions…

Tout me semble dit pour qui cherche sa route !
Ces moments sombres, absorbant notre énergie, pouvant devenir de possibles moteurs pour changer les choses.
Ces rêves ou phantasmes, fondant parfois dès qu’énoncés ou éprouvé à la lumière vive du terrain, mais qu’il fait bon formuler voire tenter, pour ne pas nourrir de regret.
Ces essais-erreurs pouvant donner lieu au sentiment d’échec voire de retour au même point, tandis qu’ils nous permettent d’avancer, de grandir, fortifient notre intérieur et notre connaissance de nous et de nos essentiels.
Ces projets sur lesquels personne ne miserait – à raison sans doute ! -, devenant clé de voûte de notre édifice…
Et la façon dont Pierre nous les remet en perspective devient un cours du « comment trouver sa voie » ! J’ai eu la chance, lors d’un séminaire de développement personnel, de recroiser Pierre avant cet entretien. De partager avec lui des moments que seule l’envie d’avancer peut motiver ! Quand écologie sociale rime avec écologie personnelle... yes, we can ! 

Par Carole Babin-Chevaye

Liens et ressources

Pierre Chevelle http://www.en2heures.fr/
Son talk au TEDx Tours https://www.youtube.com/watch?v=uTFCIxl8G2Q
Sa chaîne Youtube : https://www.youtube.com/channel/UC0suOBgRAZPCy5kD6IS23zw?sub_confirmation=1

Switch Collective, qui propose un programme pour se recentrer, et redonner du sens : http://www.switchcollective.com/

Timothy Ferris et son livre : http://www.semainede4heures.fr/

Sparknews, pour amplifier l’information positive : http://www.sparknews.com/

Et Christian de Boisredon, son fondateur : https://fr.wikipedia.org/wiki/Christian_de_Boisredon

Ashoka, tous acteurs du changement : https://www.ashoka.org/fr/pays/france

Ticket for Change, activateurs de talents : http://www.ticketforchange.org/

Enactus France, programme d'étudiants entrepreneurs au service de la société : http://enactus.fr/

Colibris, et ceux qui veulent faire leur part… https://www.colibris-lemouvement.org/

Incroyables Comestibles, ou l’histoire d’une abondance partagée : http://lesincroyablescomestibles.fr/

Pierre a aussi un partenariat avec Unis-Cité, service civique des jeunes entre 16 et 25 ans : www.uniscite.fr/.

Pour chaque livre « Changer le monde en 2 heures » acheté, un .pdf est offert à l’un des jeunes suivant le programme d’Unis-Cités. Alors… vous attendez quoi ?!

Pierre Chevelle